Violation du délai raisonnable de jugement / Durée excessive de procédure / Responsabilité non-contractuelle de l’Union européenne / Arrêt du Tribunal (Leb 790)

Saisi d’une demande en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et immatériel que les requérantes auraient subi en raison de la durée excessive de la procédure, le Tribunal de l’Union européenne a, pour la première fois en matière de concurrence, jugé l’affaire et partiellement accueilli, le 10 janvier dernier, le recours en indemnité des requérantes (Gascogne, aff. T-577/14). Dans l’affaire au principal, 2 sociétés avaient saisi, en 2006, le Tribunal d’un recours en annulation de la décision de la Commission européenne les condamnant dans une affaire d’entente. Le Tribunal a rejeté ces demandes par des arrêts en date du 16 novembre 2011 (aff. T-72/06 et T-79/06), confirmés par la Cour de justice de l’Union européenne en date du 26 novembre 2013 (aff. C-40/12 et C-58/12). A la suite de ces procédures, les requérantes ont introduit un recours devant le Tribunal visant à faire condamner l’Union européenne pour violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable, tel que prévu par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Le Tribunal rappelle, tout d’abord, les 3 conditions cumulatives nécessaires à la mise en cause de la responsabilité non-contractuelle de l’Union, à savoir, l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée, la réalité du dommage et un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. Le Tribunal procède, ensuite, à l’application de ces critères. Sur la première condition, il considère que la durée totale de 46 mois de la procédure en cause est excessive eu égard à la durée appropriée de procédure en matière de concurrence, entre d’un côté la fin de la phase écrite et de l’autre l’ouverture de la phase orale, qui est de 15 mois. De plus, si le traitement parallèle d’affaires connexes a pu justifier un allongement de la procédure de 11 mois, la période d’inactivité de 20 mois du Tribunal ne peut être justifiée par aucune des circonstances propres aux affaires en cause. Sur la deuxième condition, le Tribunal retient que l’une des requérantes a subi un préjudice matériel certain en raison des frais qu’elle a dû payer au titre de la garantie bancaire au cours de la période d’inactivité du Tribunal. Sur la troisième condition, le Tribunal considère qu’en l’absence de dépassement du délai raisonnable de jugement, cette requérante n’aurait pas eu à s’acquitter des frais de garantie bancaire correspondant à la période de dépassement. Le Tribunal estime, également, que les 2 sociétés ont subi un préjudice immatériel du fait de la durée excessive de la procédure, se concrétisant dans une situation d’incertitude qui a dépassé celle habituellement provoquée par une procédure juridictionnelle. Partant, le Tribunal condamne l’Union à payer une indemnité pour réparation du préjudice matériel à l’une des requérantes, ainsi qu’une indemnité pour réparation du préjudice immatériel à chacune des requérantes. (WC)

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