Statut constitutionnel de Gibraltar vis-à-vis du Royaume-Uni / Libre prestation de services / Conclusions de l’Avocat général (Leb 791)

L’Avocat général Szpunar a présenté, le 19 janvier dernier, ses conclusions concernant le statut constitutionnel de Gibraltar vis-à-vis du Royaume-Uni pour l’application de l’article 56 TFUE relatif à la libre prestation de services (The Gibraltar Betting and Gaming Association Limited, aff. C-591/15). Dans l’affaire au principal, le Royaume-Uni a adopté un nouveau régime fiscal imposant aux prestataires de services de jeux d’argent d’acquitter une taxe pour les services de jeux de hasard à distance fournis à des personnes établies au Royaume-Uni. Une association professionnelle dont les membres, établis à Gibraltar, fournissent des jeux d’argent à distance à des clients au Royaume-Uni a contesté ce nouveau régime. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur les points de savoir si, d’une part, l’article 56 TFUE peut s’appliquer à une situation dont tous les éléments sont cantonnés à Gibraltar et au Royaume-Uni et si, d’autre part, le régime fiscal en cause au principal constitue une restriction à la libre prestation de services. S’agissant de l’applicabilité de l’article 56 TFUE, l’Avocat général Szpunar relève, tout d’abord, que si l’application du droit de l’Union à Gibraltar découle des traités, ces derniers ne se prononcent pas sur les relations entre le Royaume-Uni et Gibraltar en ce qui concerne l’application des libertés fondamentales. Il observe, ensuite, que ce n’est pas Gibraltar mais le Royaume-Uni qui a contracté des obligations envers les autres Etats membres en ratifiant les traités. A cet égard, il constate que les procédures en manquement, en ce qui concerne Gibraltar, sont intentées contre le Royaume-Uni et que Gibraltar ne peut pas davantage intenter de procédure devant la Cour puisqu’il n’a pas le statut d’Etat membre. L’Avocat général ajoute, ensuite, que si la libre prestation de services devait s’appliquer entre le Royaume-Uni et Gibraltar, cela impliquerait que le premier contracte des engagements envers lui-même, ce qui apparaîtrait étrange. Il conclut, enfin, que les traités n’établissent pas entre le Royaume-Uni et Gibraltar des droits nouveaux ou supplémentaires s’ajoutant à ceux qui découlent du droit constitutionnel du Royaume-Uni et de Gibraltar et que ces derniers doivent être considérés comme un seul Etat membre aux fins de l’application de l’article 56 TFUE. S’agissant de l’existence d’une restriction à la libre prestation de services, l’Avocat général considère qu’il convient de répondre à la question, malgré son caractère hypothétique, dans le cas où la Cour conclurait à l’application de l’article 56 TFUE. A ce titre, il estime que le régime fiscal en cause au principal n’est pas susceptible de restreindre la libre prestation de services puisqu’il est indistinctement applicable à tous les prestataires ayant des activités sur le marché des jeux d’argent au Royaume-Uni, peu importe leur lieu d’établissement. La Cour est libre de suivre ou de ne pas suivre la solution proposée par l’Avocat général. (MS)

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