Refus d’examen d’une action en réparation / Actes de torture / Droit d’accès à un tribunal / Non-violation / Arrêt de Grande chambre de la CEDH (Leb 833)

Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 15 mars dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit d’accès à un tribunal (Nait-Liman c. Suisse, requête n°51357/07). Le requérant, ressortissant tunisien naturalisé suisse, aurait été, selon ses allégations, détenu et torturé arbitrairement dans les locaux du Ministère de l’Intérieur tunisien, sur ordre du ministre, en 1992. Réfugié en Suisse où il a obtenu l’asile, il a appris, en 2001, que l’ancien ministre de l’Intérieur tunisien était hospitalisé dans le pays. Il a déposé contre lui une plainte pénale et s’est constitué partie civile en raison du préjudice moral causé par les actes de torture subis, que les juridictions suisses ont refusé d’examiner, considérant qu’elles n’étaient pas compétentes à raison du lieu. Devant la Cour, il alléguait que le refus des juridictions suisses de connaître du fond de son action civile portait atteinte à son droit d’accès à un tribunal. Dans un 1er arrêt, la Cour a conclu à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. La Cour constate, tout d’abord, que le requérant a subi une limitation de son droit d’accès à un tribunal en ce que les juridictions suisses se sont déclarées incompétentes pour connaître de sa demande en réparation. Elle recherche si cette limitation poursuit un but légitime et, dans l’affirmative, si elle se trouve dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but visé. La Cour considère, ensuite, que le droit international ne faisait pas peser d’obligation sur les autorités suisses d’ouvrir leur for en vue de faire statuer sur le fond de la demande de réparation du requérant, ni au titre d’une compétence universelle civile pour actes de torture ni au titre du for de nécessité. Il en résulte que les autorités suisses jouissent d’une large marge d’appréciation en la matière. La Cour relève, enfin, qu’elle ne discerne aucun élément manifestement déraisonnable ou arbitraire dans l’interprétation des juridictions suisses, ou donnant à penser que les autorités nationales auraient outrepassé leur marge d’appréciation d’une autre manière. Dès lors, elle estime que les limitations au droit d’accès du requérant à un tribunal n’étaient pas disproportionnées par rapport aux buts légitimes poursuivis. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MT)

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