Recours en carence / Notion de « prise de position » d’une institution / Intérêt à agir / Allégations de santé / Arrêt de la Cour (Leb 823)

Saisie de 2 pourvois à l’encontre des ordonnances Bionorica c. Commission (aff. T-619/14) et Diapharm c. Commission (aff. T-620/14) par lesquelles le Tribunal de l’Union européenne a rejeté 2 recours en carence, la Cour de justice a accueilli, le 23 novembre dernier, les recours (Bionorica et Diapharm c. Commission, aff. jtes C-596/15 P et C-597/15 P). Dans l’affaire en cause, la Commission européenne a reçu environ 44 000 allégations de santé de la part des Etats membres, au titre de l’article 13 §2 du règlement1924/2006/CE concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. Face au grand nombre d’allégations, elle a annoncé, en septembre 2010, une adoption progressive de la liste des allégations de santé autorisées dans l’Union européenne. Dans ce contexte, en avril 2014, les requérantes ont invité la Commission à reprendre l’évaluation des allégations de santé portant sur les substances botaniques afin que puisse être adoptée la liste complète. Celle-ci leur a répondu par une lettre expliquant, en substance, que la Commission devrait disposer du temps et du contexte nécessaire pour adopter ladite liste, suite à une réflexion sur les allégations portant sur les substances botaniques. Saisie dans ce contexte, le Tribunal a considéré, d’une part, que les conditions pour constater la carence de la Commission n’étaient pas réunies, dans la mesure où les lettres de celles-ci étaient suffisamment explicites et précises pour permettre aux requérantes de connaître sa position à l’égard de leurs demandes et constituer une prise de position. D’autre part, à titre surabondant, le Tribunal a considéré les recours irrecevables pour défaut d’intérêt à agir dans la mesure où, notamment, les entreprises concernées pourraient continuer à utiliser les allégations de santé en cause dans le respect du régime transitoire prévu par le règlement. Saisie sur pourvoi, la Cour considère, tout d’abord, que les requérantes ont dûment invité la Commission à agir, l’action étant, dans le cas d’espèce, de demander à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (« EFSA ») de reprendre sans délai l’évaluation des allégations de santé relatives aux substances botaniques. Elle constate que la Commission n’a pas indiqué d’une manière non ambigüe son intention quant au fait de charger l’EFSA ou non de la poursuite de cette évaluation et n’a donc pas pris position au sens de l’article 265 TFUE. Le Tribunal a, dès lors, commis une erreur de droit. Ensuite, la Cour estime que la constatation d’équivalence faite par le Tribunal entre les régimes transitoire et définitif concernant les allégations de santé est erronée, dans la mesure où ces 2 catégories sont soumises à des exigences différentes et ne jouissent pas des mêmes conditions. Partant, la Cour rejette le défaut d’intérêt à agir des requérantes sur ce motif. Pour autant, enfin, elle examine à nouveau l’intérêt à agir des 2 requérantes. S’agissant de Diapharm, d’une part, elle constate que son activité n’inclut ni la production ni la commercialisation de compléments alimentaires ou de denrées alimentaires, que sa qualité d’opérateur économique se situe en amont du processus de production ou de commercialisation de tels produits et qu’elle ne sera donc pas en mesure d’utiliser elle-même les allégations concernées. Diapharm est donc dépourvue d’intérêt à agir. S’agissant de Bionorica, d’autre part, la Cour relève qu’au moment de l’introduction de son recours, celle-ci n’exerçait pas d’activité de fabricant sur le marché en cause. Une simple déclaration d’intention ne suffisant pas, selon la Cour, à établir un intérêt à agir né et actuel, la Cour estime que Bionorica est dépourvue elle aussi d’intérêt à agir. Partant, l’ordonnance est annulée et le recours en carence est rejeté comme irrecevable. (JJ)

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