COUR DE CASSATION

SOCIAL
Licenciement abusif / Autorité de la chose jugée / Concentration des demandes

La juridiction d’un Etat membre peut-elle statuer sur des demandes qui auraient pu être formulées lors de l’action en justice menée au préalable par le requérant devant la juridiction d’un autre Etat membre ?
Cour de cassation, n°19-20.538 – Renvoi à la CJUE


(8 septembre 2021)
Dans l’affaire au principal, le requérant licencié pour faute grave travaillait à Londres pour une société française aux termes d’un contrat de droit anglais. Il a obtenu devant les juridictions anglaises que son licenciement soit reconnu comme abusif. Par la suite, il a engagé en France des poursuites tendant à ce que la société lui verse des bonus, primes et autres indemnités diverses. La Cour de cassation saisie la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si les articles 33 et 36 du règlement (CE) 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, permettent à une juridiction de statuer sur des demandes qui auraient pu être formulées dès l’instance initiale dans une procédure engagée dans un autre Etat membre. A cet égard, la Cour de cassation précise que les législations nationales des deux Etats membres en cause prévoient une obligation de concentration des demandes et n’autorisent donc pas aux juridictions de leur ressort de connaître, lors d’une nouvelle action, des demandes qui auraient déjà pu être formulées. Dans le cas où le règlement ne permettrait pas une telle interprétation, une action en « unfair dismissal » au Royaume-Uni et, en France, des actions en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’en paiement de bonus ou de primes prévues au contrat de travail, doivent-elles être considérées comme ayant la même cause et le même objet ?
CONSOMMATION
Clauses abusives / Dispense conventionnelle de mise en demeure / Délai raisonnable 

Un contrat de consommation peut-il prévoir une clause claire et non équivoque de dispense conventionnelle de mise en demeure, ainsi qu’une clause qui prévoit que la déchéance du terme peut être prononcée en cas de retard de paiement de plus de 30 jours, lorsque le droit national admet qu’en cas de dérogation une exigence de respect d’un délai raisonnable doit être appliquée ?
Cour de cassation, n° 20-12.154 – Renvoi à la CJUE


(16 juin 2021)
Dans l’affaire en cause au principal, une banque a consenti un prêt immobilier à un particulier qui a la qualité de consommateur dont le contrat prévoyait que les sommes dues étaient de plein droit et immédiatement exigibles, sans formalité, ni mise en demeure, en cas de retard de plus de 30 jours de paiement du terme principal. La Cour de cassation pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si une telle clause est conforme à la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives conclues dans les contrats avec les consommateurs et si le délai de 30 jours est un délai suffisant au regard de la jurisprudence Banco Primus (aff. C-421/14). En outre, le Conseil d’Etat, sur les mêmes fondements, cherche à savoir si un retard de 30 jours peut être caractérisé comme une inexécution suffisamment grave au regard de la durée du contrat de prêt et de l’équilibre global des relations contractuelles et si les 4 critères dégagés par la jurisprudence Banco Primus sont cumulatifs et, auquel cas, s’il existe des critères alternatifs ou non plus importants que d’autres. 
LIBERTE D’ETABLISSEMENT ET INSOLVABILITE
Faillite / Procédure de liquidation / Effets sur l’instance en cours 

La Cour de cassation demande à la Cour de justice de l’Union européenne de préciser le droit national qui doit régir, au sens de la directive Solvabilité II, les effets sur l’instance en cours devant les juridictions françaises de la faillite d’une société au sein d’un autre Etat membre. 
Pourvoi n° 19-12.048 (Inédit – 2e ch. Civ.) – Renvoi à la CJUE Aff. C-724/20


(17 décembre 2020)
Dans l’affaire au principal, une société danoise d’assurance contestait la non-constatation de l’interruption de l’instance par une juridiction française, laquelle résultait selon la requérante de l’ouverture d’une procédure collective à son encontre au Danemark. La Cour de cassation demande à la Cour de justice de l’Union européenne  si l’article 292 de la directive 2009/138/CE sur l’activité de l’assurance doit s’interpréter en ce sens que l’instance en cours introduite devant la juridiction d’un Etat membre par le créancier d’une indemnité d’assurance de dommages pour obtenir le règlement de cette indemnité par une entreprise d’assurance soumise à une procédure de liquidation ouverte dans un autre Etat membre, concerne un actif ou un droit dont cette entreprise est dessaisie. Si la réponse est positive, la juridiction française souhaite savoir si la loi de l’Etat membre dans lequel l’instance est en cours a vocation à régir tous les effets de sur cette instance de la procédure de liquidation, notamment son interruption ou sa reprise. 
COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIERE CIVILE
Compétence juridictionnelle / Successions / Désignation mandataire successoral 
 
La Cour de cassation demande à la Cour de justice de l’Union européenne de préciser la méthode de désignation d’un mandataire successoral et la compétence des juridictions françaises, lorsque que la résidence habituelle du défunt français au jour de son décès était située au Royaume-Uni, en vertu du règlement (UE) 650/2012 relatif aux actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen. 
Pourvoi n°19-15.438 (1ère ch. Civ) – Renvoi à la. CJUE Aff. C-645/20


(1er décembre 2020)
Les requérants estimaient que la juridiction française était incompétente pour statuer sur la succession et désigner un mandataire successoral au sens du règlement, règlement non applicable au Royaume-Uni, car la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni. La juridiction de renvoi se demande si la juridiction d’un État membre dans lequel la résidence habituelle du défunt n’était pas fixée au moment de son décès doit, d’office, relever de la compétence subsidiaire prévue par l’article 10, point 1, a) du règlement dès lors que le défunt possédait la nationalité de cet État membre et y possédait des biens au moment du décès ?
DROITS FONDAMENTAUX
Principe ne bis in idem / Cumul de sanctions pénales et fiscales / Dissimulation de TVA  
 
La Cour de cassation demande à la Cour de justice de l’Union européenne si la règlementation française relative aux dissimulations déclaratives en matière de TVA qui prévoit le cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale et fiscale est compatible avec le principe ne bis in idemgaranti par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux.
Pourvoi n° 19-81.929 (ch. Crim) – Renvoi à la CJUE Aff. C-570/20


(28 octobre 2020)
Dans l’affaire au principal, le requérant expert-comptable a fait l’objet d’une procédure de redressement fiscal et d’une condamnation pénale par le tribunal correctionnel pour de même faits de fraude fiscale. La Cour de cassation souhaite savoir si le droit national remplit l’exigence de clarté et de prévisibilité des circonstances dans lesquelles les dissimulations déclaratives en matière de TVA due peuvent faire l’objet d’un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour. 
RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS
Communication de données de connexion électroniques / Autorités des marchés financiers / Délit d’initié  
 
Le règlement (UE) 596/2014 sur les abus de marché permet-il, compte tenu du caractère occulte des informations échangées et de la généralité du public susceptible d’être mis en cause, au législateur national d’imposer aux opérateurs de communications électroniques une conservation temporaire mais généralisée des données de connexion et une remise d’enregistrements existants ? 
Pourvoi n° 19-82.223 (Inédit – ch. Crim) – Renvoi à la CJUE Aff. C-397/20
Pourvoi n° 19-80.908 (Inédit – ch. Crim) – Renvoi à la CJUE Aff. C-339/20


(24 juillet et 20 août 2020)
Dans l’affaire au principal, des données personnelles des requérants avaient été recueillies par des agents de l’autorité administrative financière dans le cadre d’enquêtes visant des faits supposés de délits d’initié et complicité et recel de ces délits. La Cour de cassation saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel afin de savoir si la règlementation française permettant l’accès à des données de connexions liées à l’objet de l’enquête et la conservation de ces données pouvant se révéler pertinentes pour apporter la preuve de la réalité du manquement est compatible avec sa jurisprudence. La juridiction de renvoi demande également des précisions sur les effets de l’éventuelle réponse négative à savoir notamment si, en cas de contrariété, la législation en cause peut-elle être maintenue provisoirement afin d’éviter une insécurité juridique et permettre l’utilisation des données collectées et conservées dans l’un des buts visés par la législation sans qu’il y ait eu de contrôle préalable d’une juridiction ou d’une autre autorité́ administrative indépendante. 
LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT
Services de paiement / Opération bancaire non autorisée / Caution / Délai de forclusion
 
La directive 2007/64/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur s’oppose-t-elle à ce que la responsabilité du prestataire de services de paiement puisse être engagée sur le fondement du droit commun lorsque l’utilisateur n’a pas, dans les 13 mois, contestés l’opération de paiement non autorisée ou mal exécutée ?
Pourvoi n° 17-19.441 (Inédit – ch. Com) – Renvoi à la CJUE Aff. C-337/20


(23 juillet 2020)
Dans l’affaire au principal, une banque a poursuivi la caution d’une société en remboursement d’une ouverture de crédit en compte courant qui a considéré que les virements faits à des tiers sans autorisation devaient être déduits du montant total de la créance. La Cour de cassation pose à la Cour de justice de l’Union européenne la question de savoir si l’article 58 de la directive 2007/64/CE, qui impose un délai de forclusion de 13 mois pour toute contestation d’opération non autorisée ou mal exécutée, doit être interprété en ce que ce délai est exclusif de sorte qu’un recours sur le fondement du droit commun serait impossible passé ce délai. Ainsi, dans l’hypothèse où la réponse serait affirmative, la Cour de cassation demande si la caution peut également se prévaloir d’un tel fondement.
COOPERATION JUDICIAIRE
Internet / Infraction transnationale / Réparation du préjudice / Juridiction compétente
 
Une personne victime de propos dénigrants sur Internet peut-elle demander réparation de son préjudice moral et économique devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel le contenu est accessible, ou bien peut-elle seulement le faire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des contenus en vertu l’article 7, point 2, du règlement (UE) 1215/2012 ?
Pourvoi n° 18-24/850 (1ère ch. Civ), Aff. C-251/20


(10 juin 2020)
Dans l’affaire au principal, un diffuseur de contenus pour adultes tchèque a engagé la responsabilité d’un concurrent hongrois devant le tribunal de commerce de Lyon. La Cour de cassation saisie la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel afin de savoir si la jurisprudence eDate Advertising (aff. C‑509/09s’applique, permettant alors la réparation du préjudice devant les juridictions de chaque État membre où la pratique a pu être susceptible d’avoir un effet, ou si au contraire la jurisprudence Svensk Handel (aff. C‑194/16doit s’appliquer. Dès lors, seule serait compétente la juridiction qui peut ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.
TRANSPORT
Présentation de documents / Enregistrement des trajets / Dérogation
 
La Cour de cassation demande à a Cour de justice de l’Union européenne si le règlement (CE) 561/2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route s’applique également aux infractions du règlement (UE) 165/2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers.
Pourvoi n° 18-83.384 (Inédit – ch. Crim) – Renvoi CJUE Aff. C-906/19


(11 décembre 2019) 
Dans l’affaire au principal, le conducteur d’un car a été contrôlé par les fonctionnaires de la division de la prévention et de la répression de la délinquance routière et n’a pas été en mesure de justifier de certains trajets, n’étant pas enregistrés dans le tachygraphe aux motifs que ces trajets n’étaient pas sur le territoire français et ne devaient donc pas être nécessairement enregistrés. La Cour de cassation se demande si l’article 19 §2 du règlement (CE) n°561/2006 trouve à s’appliquer uniquement aux infractions de ce règlement ou si ne pas avoir enregistré certains trajets, tels que le veut le règlement (UE) 165/2014 est une infraction également couverte par le premier règlement. Elle demande, en outre, si l’article 3 sous a) du règlement (UE) 561/2006 qui permet une dérogation à l’enregistrement sur le tachygraphe des trajets de moins de 50km permet également de déroger à l’obligation de présentation de tous les trajets sur une période de 28 jours lorsque certains trajets entrent dans cette dérogation et d’autres non.
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