Prévisibilité d’une disposition légale / Légalité des délits et des peines / Droit de propriété / Arrêt de la CEDH (Leb 720)

Saisie d’une requête dirigée contre la Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 16 septembre dernier, l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la légalité des délits et des peines et l’article 1 du Protocole n°1 relatif au droit de propriété (Plechkov c. Roumanie, requête n°1660/03). Le requérant, ressortissant bulgare, a été accusé d’avoir illégalement pratiqué la pêche au requin dans la zone économique exclusive (« Z.E.E. ») de la Roumanie en mer Noire pendant la période de fermeture de cette pêche. Après avoir été acquitté en première instance, il a été condamné en appel à une peine de prison avec sursis ainsi qu’à la confiscation de son navire, au motif que la loi roumaine en cause devait s’appliquer puisqu’elle instaure une Z.E.E. sur une largeur de 200 milles marins. Invoquant l’article 7 de la Convention et l’article 1 du Protocole n°1, le requérant alléguait que sa condamnation à une peine de prison et la confiscation de son navire étaient illégales, car contraires à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (« CNUDM ») et violaient le droit au respect de ses biens. La Cour rappelle, en premier lieu, qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’interprétation de la CNUDM ni sur les lois roumaines pertinentes au cas d’espèce. Elle peut, toutefois, vérifier si les dispositions de droit interne, telles qu’interprétées par les juridictions roumaines, n’ont pas produit de conséquences incompatibles avec la Convention. La Cour relève, en second lieu, que les tribunaux internes ont eu 2 interprétations opposées de la législation en cause qui ne fixait pas précisément la largeur de la Z.E.E. roumaine, puisqu’elle dépendait d’un accord futur entre la Roumanie et les Etats voisins, dont la Bulgarie. Elle considère, dès lors, que la disposition sur la base de laquelle le requérant a été condamné ne pouvait raisonnablement passer pour être claire, accessible et prévisible. De plus, la Cour note que l’interprétation des juridictions selon laquelle un accord entre la Roumanie et la Bulgarie aurait été défavorable au requérant ne reposait sur aucune jurisprudence interne. Elle en conclut que ni les dispositions internes ni l’interprétation qui en a été faite par les juridictions roumaines ne rendaient la condamnation du requérant suffisamment prévisible, ce qui engendre une violation de l’article 7 de la Convention. Partant, la confiscation du navire ne remplit pas davantage la condition de légalité requise par l’article 1 du Protocole n°1. (MG)

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