Législation nationale prévoyant une sanction administrative et une sanction pénale pour les mêmes faits / Nature pénale d’une sanction administrative / Limitations du principe ne bis in idem / Arrêts de Grande chambre de la Cour (Leb 833)

Saisie de 2 renvois préjudiciels par le Tribunale di Bergamo (Italie) et la Corte suprema di cassazione (Italie), la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 20 mars dernier, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au principe ne bis in idem (Menci, aff. C-524/15 ; Garlsson, aff. C-129/14). Les litiges au principal concernaient 2 ressortissants italiens poursuivis pour des faits pour lesquels ils avaient déjà fait l’objet d’une sanction de nature administrative pour l’un, et pénale pour l’autre. Saisies dans ce contexte, les juridictions de renvoi ont interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, d’une part, à une règlementation nationale en vertu de laquelle des poursuites pénales peuvent être engagées contre une personne pour omission de verser la TVA due dans les délais légaux alors que cette personne s’est déjà vue infliger une sanction administrative pour les mêmes faits et, d’autre, part, à une règlementation nationale qui permet de poursuivre une procédure de sanction administrative pécuniaire contre une personne en raison d’agissements illicites constitutifs de manipulation de marché pour lesquels une condamnation pénale définitive a déjà été prononcée à son encontre. La Cour rappelle que l’application de l’article 50 de la Charte ne se limite pas aux seules poursuites et sanctions qualifiées de pénales par le droit national, mais s’étend, indépendamment d’une telle qualification en droit national, à des poursuites et à des sanctions qui doivent être considérées comme présentant une nature pénale. Elle juge, d’une part, que l’article 50 de la Charte ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle des poursuites pénales peuvent être engagées contre une personne, alors que cette personne s’est déjà vu infliger une sanction administrative définitive de nature pénale pour les mêmes faits, à condition que cette réglementation satisfasse à 3 exigences. Tout d’abord, cette dernière doit viser un objectif d’intérêt général de nature à justifier un tel cumul de poursuites et de sanctions, à savoir la lutte contre les infractions en matière de taxe sur la valeur ajoutée et ces poursuites et sanctions doivent suivre des objectifs complémentaires. Ensuite, cette règlementation doit contenir des règles assurant une coordination limitant au strict nécessaire la charge supplémentaire qui résulte, pour les personnes concernées, d’un cumul de procédures. Enfin, cette réglementation doit prévoir des règles permettant d’assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées soit limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l’infraction concernée. La Cour précise, d’autre part, que l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet de poursuivre une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale contre une personne en raison d’agissements illicites constitutifs de manipulations de marché pour lesquels une condamnation pénale définitive a déjà été prononcée à son encontre dans la mesure où cette condamnation est, compte tenu du préjudice causé à la société par l’infraction commise, de nature à réprimer cette infraction de manière effective, proportionnée et dissuasive. (AT)

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