Légalité des peines / Droit à un procès équitable / Interprétation extensive de la loi / Arrêt de Grande Chambre de la Cour EDH (Leb 1015)

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L’interprétation extensive et imprévisible d’une infraction au détriment du justiciable est contraire à l’article 7 de la Convention qui assure une protection effective contre les poursuites et les condamnations arbitraires (26 septembre)

Arrêt Yüksel Yalçinkaya c. Türkiye (Grande chambre), requête n°15669/20

Le requérant reproche à l’Etat turc de l’avoir condamné pour sa prétendue appartenance à une organisation terroriste indûment déduite de sa seule utilisation de l’application de messagerie cryptée « ByLock ». Dans un 1er temps, la Cour EDH rappelle que l’article 7 de la Convention consacre le principe de légalité des délits et des peines, qui implique de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé. Il en découle qu’une infraction doit être clairement définie par la loi et qu’un élément de responsabilité personnelle doit avoir été décelé dans la conduite de l’auteur de l’infraction. Les juridictions internes doivent se conformer à ce droit et ne peuvent le dénaturer lorsqu’elles l’interprètent. Or en l’espèce, les juridictions nationales ont eu une interprétation extensive de la loi, établissant une présomption de culpabilité reposant sur la seule utilisation de ByLock. Dans un 2nd temps, la Cour EDH souligne, conformément à l’article 6 de la Convention, que la manière dont les éléments de preuve ont été obtenus et versés à la procédure, doit être équitable. Or en l’espèce, les juridictions nationales n’ont pas expliqué pour quelles raisons les données brutes de ByLock, qui avaient été collectées dans le cadre de l’instruction, n’ont pas été communiquées au requérant ou à un expert indépendant, afin qu’il puisse soumettre ses observations. Enfin au vu des 8500 requêtes soulevant des griefs similaires, la Cour EDH enjoint la Türkiye de prendre des mesures générales appropriées pour régler les problèmes systémiques relevant de l’approche des juridictions nationales quant à l’utilisation de ByLock. Partant, la Cour EDH conclut à la violation des articles 7 (pas de peine sans loi), 6 (droit à un procès équitable) mais aussi de l’article 11 (liberté de réunion et d’association). (CZ)

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