Jurisprudence nationale / Contradiction / Sécurité des rapports juridiques / Droit à un procès équitable / Arrêt de la CEDH (Leb 739)

Saisie d’une requête dirigée contre la Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 31 mars dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit à un procès équitable (S.C. Uzinexport S.A. c. Roumanie, requête n°43807/06). La requérante est une société de droit roumain dont le capital a été privatisé dans les années 1990. S’estimant lésée par le prix de vente des créances, elle a introduit 2 actions en dommages et intérêts contre le ministère des finances. Obtenant gain de cause dans 2 jugements distincts, la requérante a introduit une action réclamant la condamnation du ministère à lui verser des intérêts pour le paiement tardif des sommes établies. Sa demande a fait l’objet de 2 dossiers différents. La chambre commerciale de la Haute Cour de cassation et de justice, n’appliquant pas les mêmes règles de droit aux 2 dossiers, a accueilli la première action mais a rejeté la deuxième considérant que le droit de réclamer des intérêts de retard était prescrit. La requérante alléguait une atteinte au principe de sécurité juridique en raison du rejet de sa demande d’octroi des intérêts de retard. La Cour rappelle, tout d’abord, qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes et qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne ou de substituer sa propre appréciation à celle des juridictions nationales, sauf si ces erreurs lui semblent susceptibles d’avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. Ensuite, la Cour précise que l’arrêt rendu par la Haute Cour ne s’inscrit pas dans une divergence de jurisprudence qui pouvait exister au sein de cette juridiction mais constitue un écart très singulier par rapport à la jurisprudence constante de la Haute Cour et à celle des autres tribunaux internes. La Cour ajoute que si la possibilité de divergences de jurisprudence est inhérente à tout système judiciaire, le rôle d’une juridiction suprême est précisément de régler ces contradictions. Or, quand la plus haute juridiction est à l’origine de décisions contradictoires qui ne reposent sur aucune raison valable, elle devient elle-même source d’insécurité juridique. La Cour considère que cela risque d’amoindrir la confiance du public dans le système judiciaire et de porter atteinte au principe de sécurité juridique. Dès lors, elle estime que l’application d’une règle de droit différente dans le deuxième dossier est arbitraire dans le cas d’espèce et porte atteinte au principe de la sécurité des rapports juridiques. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (AB)

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