Interdiction des traitements inhumains et dégradants / Droit à la liberté et à la sécurité / Arrêt de la CEDH (Leb 770)

Saisie d’une requête dirigée contre Chypre, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 26 avril dernier, les articles 3 et 5 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et au droit à la liberté et à la sécurité (Seagal c. Chypre, n°50756/13 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, qui se dit ressortissant français, arrêté et brièvement détenu en 2010 puis condamné en 2013 à Chypre, notamment pour présentation de faux documents et séjour illégal, se plaingnait des conditions de sa détention ainsi que de l’absence de soins médicaux à la suite de mauvais traitements. A sa sortie, il a été immédiatement arrêté et replacé en détention pour être renvoyé en France mais dans l’impossibilité de confirmer son identité pour l’extrader, les autorités l’ont donc relâché en octobre 2014. Concernant, d’une part, les allégations de mauvais traitements, la Cour rappelle le caractère indérogeable de l’article 3 de la Convention et l’obligation positive qui en découle, pour les autorités, de mener une enquête effective sur toute allégation de violation de cet article. La Cour rappelle que lorsqu’une personne est blessée en détention, il existe une forte présomption qu’elle y ait subi un mauvais traitement des autorités. Or, en l’absence d’explication convaincante du gouvernement, la Cour estime que les autorités n’ont pas mené une enquête effective pour établir la vérité de l’incident au cours duquel le requérant a subi plusieurs blessures. Partant, elle conclut à une violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural. La Cour rappelle, ensuite, que les autorités doivent s’assurer que la santé des détenus est correctement garantie et leur fournir une assistance médicale appropriée. En l’espèce, elle juge que le requérant a immédiatement vu un médecin et a été correctement examiné. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 3 de la Convention sur ce point. Concernant, d’autre part, l’allégation du requérant selon laquelle sa détention était illégale, la Cour observe qu’il existe 3 périodes distinctes de détention : l’une en janvier puis février 2010, que la Cour juge inadmissible ; la seconde en 2013, pour laquelle la Cour estime qu’il ne peut y avoir de violation de la Convention puisque cette détention correspond à une peine prononcée légalement par une juridiction compétente ; la dernière entre juin et octobre 2014, la Cour rappelant qu’elle était couverte par l’article 5 §1, sous (f), de la Convention relatif à la détention en vue d’une expulsion et que toute privation de liberté doit être légale et non-arbitraire, c’est-à-dire exécutée de bonne foi et dans des conditions raisonnables. En l’espèce, si la loi nationale prévoyait bien cette possibilité, la Cour relève que cette détention n’est justifiée qu’en vue de permettre l’expulsion et, si la procédure dépasse un délai raisonnable, la personne doit être relâchée. En l’espèce, le requérant a été détenu pendant 16 mois et la Cour observe qu’aucun effort n’a été fait pour prouver l’identité du requérant au cours des 5 premiers mois. Partant, elle conclut à la violation de l’article 5 §1 de la Convention, sur la dernière période de détention uniquement. (CG)

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