Initiative citoyenne européenne / Refus d’enregistrement / Défaut manifeste d’attributions de la Commission européenne / Obligation de motivation / Arrêt du Tribunal (Leb 769)

Saisi d’un recours en annulation à l’encontre de la décision de la Commission européenne visant à refuser la demande d’enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne européenne (« ICE ») intitulée « Le droit aux soins de longue durée : Mener une vie digne et indépendante est un droit fondamental », le Tribunal de l’Union européenne a, le 19 avril dernier, rejeté le recours (Costantini / Commission, aff. T-44/14). En l’espèce, le requérant souhaitait faire enregistrer une ICE ayant pour objet l’adoption par la Commission, en vertu de l’article 4 du règlement 211/2011/ UE relatif à l’initiative citoyenne, d’une proposition de texte législatif consacrant, sur le fondement de l’article 14 TFUE, les soins de longue durée au rang de services d’intérêt économique général (« SIEG »). La Commission a refusé d’enregistrer la proposition d’ICE au motif qu’elle ne relevait manifestement pas de ses attributions. Saisi dans ce contexte, le Tribunal rappelle que la définition de l’étendue et de l’organisation des SIEG ne relève que de la compétence des Etats membres. A cet égard, l’article 14 TFUE ne saurait constituer la base juridique pertinente habilitant l’Union européenne à proposer l’adoption d’un acte juridique exemptant les soins de longue durée de l’application des règles du marché intérieur. En effet, le Tribunal estime que ni l’objet ni les objectifs de la proposition d’ICE ne font mention de la notion de SIEG. Par conséquent, l’article 14 TFUE ne saurait obliger les Etats membres à qualifier un service de SIEG et ne saurait être valablement invoqué à cet effet. De plus, la proposition d’ICE ayant vocation à s’adresser au plus grand nombre possible de personnes, le Tribunal considère que l’article 153 TFUE ne saurait être invoqué comme base juridique additionnelle à ladite proposition, en ce qu’il ne permet d’établir que des prescriptions minimales en matière de sécurité sociale des travailleurs. Par ailleurs, au regard, d’une part, de l’invocation de l’article 352 TFUE au fondement de la proposition d’ICE et, d’autre part, de l’objectif de participation démocratique des citoyens de l’Union, sous-jacent au mécanisme de l’ICE, le Tribunal souligne qu’une telle proposition ne saurait faire échec au principe des compétences d’attribution de l’Union. Toutefois, même s’il ne saurait être reproché au requérant de ne pas avoir établi dans la demande d’enregistrement que l’acte sollicité était nécessaire, la démonstration aurait dû être apportée que ladite demande s’inscrivait dans le cadre des politiques définies par les traités et tendait à atteindre un objectif visé par ces derniers. Le Tribunal en conclut ainsi que l’article 352 TFUE ne peut pas être valablement invoqué. Enfin, en vertu du principe de bonne administration, devant se concilier avec le respect du principe de légalité, et dans la mesure où il n’est pas exigé que la motivation d’une décision de la Commission spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, le Tribunal estime qu’eu égard à l’absence, dans la demande d’enregistrement de la proposition d’ICE, de toute indication même sommaire, quant aux conditions d’application de l’article 352 TFUE, la motivation implicite quant à cette disposition doit être considérée comme suffisante. Le Tribunal en conclut ainsi que la Commission n’a pas manqué à son obligation de motivation. (NK)

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