Garde à vue / Aliéné / Absence de soins médicaux / Arrêt de la CEDH

Saisie d’une requête dirigée contre le Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, le 3 mai dernier, que le maintien en garde à vue d’un aliéné en l’absence de soins médicaux adéquats est contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à l’interdiction de traitements inhumains ou dégradants (M.S. c. Royaume-Uni, requête n°24527/08 – arrêt disponible uniquement en anglais). En l’espèce, le requérant, M.S., a été placé en garde à vue, conformément à la loi nationale sur la santé mentale qui permet ce type de mesure contre un aliéné pour une durée maximale de 72 heures afin qu’il soit examiné par un médecin et soigné. M.S. a été examiné par un expert psychiatre qui a constaté que celui-ci souffrait d’une maladie mentale d’une nature ou d’une gravité qui justifiait son internement pour préserver sa santé ainsi que la sécurité d’autrui. Toutefois, l’unité de soins psychiatriques locale n’était pas en mesure de l’accueillir et la clinique saisie afin qu’il soit placé dans une unité de moyenne sécurité a considéré que son intervention n’était pas nécessaire, compte tenu de la possibilité que le requérant soit inculpé et mis en détention provisoire. M. S. a donc passé plus de 72 heures en garde à vue et ce n’est qu’après plus de 3 jours en détention qu’il a été conduit à la clinique pour recevoir un traitement. Invoquant l’article 3 de la Convention, M.S. se plaint de s’être retrouvé en garde à vue pendant qu’il était en proie à de graves troubles mentaux, alors que ceux-ci étaient évidents aux yeux de tous et qu’il devait être hospitalisé d’urgence. La Cour EDH constate, tout d’abord, que la police et les services de santé n’ont pas eu l’intention de traiter M.S. d’une manière incompatible avec l’article 3 de la Convention et que des démarches ont bien été entreprises pour qu’il soit hospitalisé. Cependant, elle relève que le requérant s’est trouvé dans une situation de grande vulnérabilité, qui a persisté jusqu’à son transfert à la clinique le quatrième jour de sa garde à vue, ce qui a excessivement nui à sa dignité fondamentale en tant qu’être humain. Or, si cette situation est née de problèmes de coordination entre les autorités compétentes et qu’il n’y avait eu aucune intention d’humilier M.S., la Cour EDH considère, toutefois, que les conditions que le requérant a subies ont atteint le seuil de traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. La Cour EDH conclut donc à la violation de cette disposition. (AGH)

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