France / Vie privée et familiale / Expulsion de gens du voyage / Arrêt de la CEDH (Leb 686)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 17 octobre dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Winterstein c. France, requête n°27013/07). Les requérants, ressortissants français issus du monde du voyage, étaient établis depuis de nombreuses années sur des parcelles situées en zone naturelle d’après le plan d’occupation des sols (« POS »). La commune a assigné les occupants afin de faire constater l’occupation interdite des lieux et les condamner à évacuer la zone sous peine d’astreinte. Les juridictions du fond ont fait droit aux demandes de la commune en relevant que l’occupation des terrains était contraire au POS et que ni l’ancienneté de l’occupation, ni la longue tolérance de celle-ci par la commune n’était constitutive de droits. A l’appui de leur recours devant la Cour, les requérants alléguaient d’une violation de l’article 8 de la Convention dans la mesure où la condamnation à l’évacuation du terrain constituait une privation de fait de domicile. Tout d’abord, la Cour rappelle que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au respect du domicile et qu’un tribunal doit pouvoir examiner la proportionnalité de cette mesure qui doit être justifiée par un besoin social impérieux. Elle constate en l’espèce que celle-ci ne répond pas à un besoin social impérieux, dans la mesure où les terrains en cause étaient déjà classés en zone naturelle dans les précédents POS et qu’il n’y avait pas de droits de tiers en jeu. Ensuite, la Cour souligne que le principe de proportionnalité exige qu’une attention particulière soit portée aux conséquences de l’expulsion et affirme que les autorités nationales doivent tenir compte de l’appartenance des requérants à une minorité vulnérable. Dès lors, la Cour, constatant la grande précarité dans laquelle se trouve les requérants, du fait de la condamnation d’expulsion, considère que les autorités nationales n’ont pas respecté la condition de proportionnalité d’une ingérence au droit au respect de la vie privée et familiale. Partant, elle conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (JL)

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