France / Loi sur la liberté de la presse / Interdiction de publication d’actes de procédure / Non-violation / Arrêt de la CEDH (Leb 806)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 1er juin dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression (Giesbert e. a. c. France, requêtes n°68974/11, 2395/12 et 76324/13). Les requérants, ressortissants français, sont le directeur de publication, un journaliste et la société d’exploitation de l’hebdomadaire Le Point. Ils ont fait l’objet de poursuites et de condamnations civiles à la suite de la publication de plusieurs articles concernant l’affaire Bettencourt, lesquels reprenaient, in extenso, de longs et nombreux extraits d’actes de procédure. Ces condamnations étaient fondées sur la loi française sur la liberté de la presse, laquelle prohibe la publication d’actes d’accusation et de tout autre acte de procédure pénale avant leur lecture en audience publique. Les requérants alléguaient que ces condamnations emportaient violation de l’article 10 de la Convention, dans la mesure où la loi française ne présente pas un caractère de prévisibilité suffisant et que le but légitime poursuivi n’est pas défini de manière convaincante. La Cour constate que les condamnations en cause s’analysent manifestement comme une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression des requérants. Elle examine donc les éléments propres à justifier une telle ingérence. A cet égard, elle considère que l’ingérence est prévue par la loi, dans la mesure où les requérants pouvait prévoir, de manière raisonnable, les conséquences que les publications en cause étaient susceptibles d’avoir pour eux. De la même manière, la Cour considère que ladite ingérence vise un but légitime, à savoir, la protection de la réputation et des droits d’autrui et la garantie de l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. S’agissant de la condition de nécessité dans une société démocratique, la Cour considère que le fait que les juridictions nationales n’aient pas trouvé assez pertinent l’éclairage que pouvaient apporter ces publications pour le débat public et l’intérêt du public relève de leur légitime marge d’appréciation. Elle précise que les articles en cause risquaient d’influer de façon significative sur la suite de la procédure et pouvaient avoir des répercussions sur les personnes appelées à témoigner, voire sur les juges. La Cour rappelle que la publication d’un article orienté peut avoir des effets sur la sérénité de la juridiction appelée à juger la cause. Considérant que les sanctions prononcées à l’encontre des requérants ne sauraient être tenues pour excessives, la Cour conclut, dès lors, à la non-violation de l’article 10 la Convention. (JL)

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