France / Garde à vue / Transfert de suspects d’un Etat à un autre / Droit à la liberté et à la sûreté / Droit à être présenté à un juge dans un délai raisonnable / Arrêts de la CEDH (Leb 727)

Saisie de 4 requêtes dirigées contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 4 décembre dernier, l’article 5 §1 et §3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à la liberté et à la sûreté et au droit d’être présenté à un juge dans un délai raisonnable (Ali Samatar e.a. c. France, requêtes n°17110/10 et 17301/10 et Hassan e.a. c. France, requêtes n°46695 et 54588/10). Dans les affaires au principal, 10 requérants, ressortissants somaliens, ont détourné des navires battant pavillon français au large des côtes somaliennes. Ils ont été arrêtés par les autorités françaises, puis transférés et poursuivis en France pour des actes de piraterie. Invoquant l’article 5 §3 de la Convention, les requérants se plaignaient de ne pas avoir été aussitôt traduits devant un juge après leur interpellation par l’armée française sur le territoire somalien. Certains requérants invoquaient, également, l’article 5 §1 de la Convention, alléguant que la privation de liberté subie entre les mains des autorités françaises avant leur transfert en France n’avait aucun fondement juridique. Concernant l’article 5 §1 de la Convention, la Cour relève qu’il n’est pas contesté que les requérants ont été appréhendés par les autorités françaises en raison d’éléments sérieux laissant à penser qu’ils avaient commis des infractions à l’encontre du navire. Elle considère que l’intervention des autorités françaises en Somalie sur le fondement de la résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations unies rendait prévisible par les requérants le risque d’être arrêtés et détenus lors du détournement du navire. Cependant, la Cour constate que le droit applicable à l’époque des faits ne comportait aucune règle définissant les conditions de la privation de liberté des requérants et n’offrait pas de protection suffisante contre les atteintes arbitraires au droit à la liberté pendant leur transfert vers la France. Dès lors, la Cour conclut à la violation de l’article 5 §1 de la Convention. Concernant l’article 5 §3 de la Convention, la Cour relève qu’au regard des difficultés liées à l’organisation du transfert des requérants entre la Somalie et la France, aucun élément n’indique que celui-ci aurait duré plus de temps que nécessaire. Elle considère, cependant, que les requérants auraient dû être présentés sans délai devant un juge à leur arrivée en France, plutôt que d’être placés 48h en garde à vue, étant déjà privés de liberté depuis 4 à 6 jours. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 5 §3 de la Convention. (MG)

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