France / Droit au logement opposable / Inexécution d’une décision d’octroi d’un logement / Droit à un procès équitable / Arrêt de la CEDH (Leb 739)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 9 avril dernier, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit à un procès équitable (Tchokontio Happi c. France, requête n°65829/12). Dans l’affaire au principal, la requérante, une ressortissante camerounaise, résidait à Paris, avec sa fille et son frère. Par une décision de 2010, la commission de médiation de Paris a estimé qu’en raison de l’indécence et de l’insalubrité du logement dans lequel elle vivait, celle-ci ainsi que les membres de sa famille qui vivaient avec elle, devaient être relogés en urgence. La requérante a saisi le tribunal administratif de Paris aux fins de se voir attribuer un logement, car aucune offre effective ne lui avait été faite dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la décision. Par un jugement rendu en décembre 2010, la juridiction administrative a fait droit à cette demande et a enjoint, sous astreinte, le préfet d’Île-de-France, d’assurer le relogement de la requérante et des membres de sa famille. La requérante et sa famille n’ont cependant pas été relogés. Invoquant l’article 6 de la Convention, elle soutenait que son droit à un procès équitable avait été violé, en ce sens que l’Etat n’a pas exécuté le jugement rendu par le tribunal administratif. La Cour rappelle, tout d’abord, que le droit à l’exécution d’une décision de justice est une composante du droit à un tribunal. Ce faisant, elle constate qu’en l’absence de relogement de la requérante, le jugement n’a pas été exécuté dans son intégralité, alors que les juridictions françaises avaient pourtant indiqué que sa demande devait être satisfaite avec une urgence particulière. En outre, la Cour note que l’astreinte, qui avait pour objet d’inciter l’Etat à exécuter l’injonction de relogement qui lui avait été faite, n’avait pas une fonction compensatoire, étant donné qu’elle a été versée à un fonds géré par les services de l’Etat. Enfin, la Cour rappelle qu’une autorité de l’Etat ne saurait invoquer un manque de fonds ou de ressources pour ne pas honorer une dette fondée sur une décision de justice. Ainsi, en s’abstenant pendant plusieurs années de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la décision enjoignant le relogement de la requérante, l’Etat a privé l’article 6 §1 de la Convention de tout effet utile. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 de la Convention. (DH)

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