France / Diffamation / Condamnation d’un Avocat / Impartialité de la juridiction / Liberté d’expression / Arrêt de la CEDH

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 11 juillet dernier, les articles 6 §1 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et à la liberté d’expression (Morice c. France, requête n°29369/10). Le requérant, Avocat français de la veuve du juge Borrel, dont le décès a fait l’objet d’une information judiciaire, a été condamné par la Cour de cassation pour complicité de délit de diffamation envers un fonctionnaire public, à la suite de ses critiques exprimées dans le journal Le Monde concernant l’impartialité des magistrats saisis de l’instruction sur le décès du juge Borrel. Le requérant se plaignait que sa cause n’avait pas été examinée de manière équitable et en toute impartialité devant la juridiction de dernier ressort et alléguait une atteinte à sa liberté d’expression. Concernant l’atteinte au droit à un procès équitable, la Cour constate, notamment, que l’un des juges ayant siégé dans la formation de la Cour de cassation qui s’est prononcée sur le pourvoi du requérant avait, par le passé, apporté son soutien au magistrat en charge de l’instruction dans l’affaire du juge Borrel, soutien qui avait été exprimé dans un cadre officiel et avait un caractère assez général. Par conséquent, elle conclut que l’impartialité de la Cour de cassation pouvait susciter des doutes sérieux et que les craintes du requérant à cet égard pouvaient être objectivement justifiées. Concernant l’atteinte à la liberté d’expression, la Cour rappelle, tout d’abord, qu’un juste équilibre doit être ménagé entre les divers intérêts en jeu, notamment les impératifs d’une bonne administration de la justice, la dignité de la profession d’Avocat et la bonne réputation des magistrats. En l’espèce, au regard de la gravité des accusations, la Cour considère que le requérant a adopté un comportement dépassant les limites que les Avocats doivent respecter dans la critique publique de la justice. Partant, elle conclut à l’absence de violation de l’article 10 de la Convention. (SB)

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