France / Condamnation pour outrage à magistrat / Droit à la liberté d’expression / Irrecevabilité / Décision de la CEDH (Leb 828)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu, le 1er février dernier, à son irrecevabilité (Meslot c. France, requête n°50538/12). Le requérant, ressortissant français, est un homme politique ayant eu plusieurs mandats de député entre 2002 et 2017. En 2007, lors d’une campagne électorale, il a prononcé un discours au cours d’une réunion publique, dans lequel il a déclaré, concernant, notamment, un magistrat l’ayant mis en examen en 2006 : « je ne respecte pas le juge D. », qui s’est « transformé en commissaire politique », a « outrepassé ses droits » et « sali la magistrature ». Il a commenté, également, la remise en liberté de 2 braqueurs au cours de la même période, qu’il a attribuée à des « juges rouges » qui « préfèrent s’attaquer aux élus de droite plutôt qu’aux voyous ». Le requérant a été condamné à 1000 euros d’amende pour outrage à magistrat par les juridictions nationales. Devant la Cour, le requérant alléguait que cette sanction avait été prononcée en violation de son droit à la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention. D’une part, la Cour constate que le requérant a subi une ingérence d’autorités publiques dans son droit à la liberté d’expression, laquelle était prévue par la loi et poursuivait le but légitime de protection de la réputation d’autrui. D’autre part, s’agissant de la question de savoir si l’ingérence litigieuse était nécessaire dans une société démocratique, la Cour relève, tout d’abord, qu’à aucun moment, le requérant n’a essayé de préciser la réalité du comportement imputé au magistrat et n’a pas indiqué au public d’éléments susceptibles de démontrer que celui-ci prenait des décisions contraires à ses obligations déontologiques. Elle considère, ensuite, qu’en tenant ces propos, le requérant a porté atteinte à la confiance des citoyens dans l’intégrité du pouvoir judiciaire. Elle relève que, malgré le contrôle strict que la Cour est amenée à exercer dans le domaine du discours politique, celui-ci ne la conduit pas à voir dans les propos du requérant l’expression de la dose d’exagération ou de provocation dont il est permis de faire usage dans le cadre de la liberté d’expression politique. Elle estime, enfin, que la sanction infligée au requérant, du fait de son caractère modéré et de l’absence de répercussion sur la carrière politique de ce dernier, réélu comme député en 2007 et 2012, ne saurait être considérée comme excessive et, partant, que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée comme irrecevable. (AT)

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