France / Communications d’un avocat / Interception par un policier / Droit au respect des correspondances / Droit au respect de la vie privée et familiale / Arrêt de la CEDH (Leb 840)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 24 mai dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie privée et familiale (Laurent c. France, requête n°28798/13). Le requérant, ressortissant français, est avocat. Dans le cadre d’une permanence pénale qu’il assurait, les 2 personnes qu’il représentait lui ont demandé ses coordonnées. N’ayant pas de carte de visite professionnelle sur lui, le requérant les a notées sur des morceaux de papier, qu’il a pliés et remis ostensiblement aux 2 personnes. Le policier les escortant leur a demandé de lui montrer les documents qu’il a dépliés et lus. Devant la Cour, le requérant alléguait que l’interception par le policier des documents remis à ses clients constitue une violation de son droit au respect de sa correspondance. La Cour relève, tout d’abord, qu’une feuille de papier pliée en 2, sur laquelle un avocat a écrit un message, remise par cet avocat à ses clients, doit être considérée comme une correspondance. Son interception par un policier constitue, ainsi, une ingérence dans le droit au respect des correspondances entre un avocat et ses clients. La Cour considère, ensuite, que les échanges entre un avocat et ses clients détenus jouissent d’un statut privilégié en vertu de l’article 8 de la Convention. La lecture du courrier d’un détenu à destination ou en provenance d’un avocat ne devrait, dès lors, être autorisée que dans des cas exceptionnels, si les autorités ont lieu de croire à un abus de ce statut privilégié en ce que le contenu de la lettre menace la sécurité de l’établissement ou d’autrui, ou revêt un caractère délictueux d’une autre manière. La plausibilité des motifs présuppose des faits ou renseignements de nature à persuader un observateur objectif que l’on abuse de la voie privilégiée de communication. La Cour souligne que le policier n’apporte aucune raison susceptible de justifier le contrôle des papiers et ne prétend pas que ces derniers auraient pu susciter des soupçons particuliers. Elle considère, enfin, que le contenu des documents interceptés par le policier importe peu dès lors que, quelle qu’en soit la finalité, les correspondances entre un avocat et son client portent sur des sujets de nature confidentielle et privée. L’interception et l’ouverture de la correspondance du requérant avec ses clients ne répondant à aucun besoin social impérieux et n’étant pas nécessaires dans une société démocratique, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (MG)

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