La reconnaissance d’une immunité de juridiction dans le cadre d’un litige portant sur des actes ayant pour objet et pour finalité l’exercice de la souveraineté d’un Etat par la mise en œuvre d’une politique de service public ne viole pas la Convention (2 décembre)
Arrêt Renouard c. France, requête n°4611/21
Le requérant est un ressortissant français ayant exercé des fonctions de conseiller en relations internationales auprès du gouvernement des Emirats Arabes Unis (EAU) en contrepartie d’une rémunération dont il a réclamé le versement auprès des juridictions françaises, dans le cadre d’un recours visant à obtenir la condamnation solidaire du ministère des affaires présidentielles ainsi que plusieurs entités privées. Le requérant soutient que c’est à tort que les juridictions nationales lui ont opposé l’immunité de juridiction des défendeurs, en s’attachant à la finalité de l’opération qui a été réalisée à leur profit, sans prendre en considération la nature du contrat qui les liait et qui avait selon lui pour objet la réalisation d’une « transaction commerciale » constitutive d’un « acte de gestion » ne relevant pas de l’exercice de la puissance publique de son mandant. Il allègue une violation de son droit d’accès à un tribunal prévu par l’article 6 §1 de la Convention. La Cour EDH rappelle que si les Etats disposent d’une marge d’appréciation dans la fixation de limites implicites au droit d’accès à un tribunal sur le fondement des règles d’immunités, celles-ci doivent poursuivre un but légitime et être proportionnées. S’appuyant tant sur l’article 6 §1 que sur les critères établis par l’article 2 de la Convention des Nations-Unies sur l’immunité de juridiction des Etats elle constate que les juridictions ont reconnu l’exercice de la souveraineté de l’Etat défendeur aux motifs, d’une part, que la Constitution des EAU attribue le domaine de l’éducation aux autorités de l’Etat fédéral, que l’entité créée par l’entremise du requérant était un établissement public administratif de droit émirien appartenant à l’Etat fédéral et, d’autre part, que la mission de service public d’éducation à laquelle il répondait a été déléguée à l’émirat cocontractant, que la mise en œuvre de l’accord instituant l’établissement poursuivait l’objectif de développement national de l’éducation et enfin, que les infrastructures de cet établissement sont la propriété du ministère de l’Enseignement supérieur. Ces constatations étant raisonnables et n’étant pas arbitraires, la Cour EDH conclut à la non-violation de l’article 6 de la Convention. (BM)