Fixation des tarifs des avoués / Impossibilité de dérogation / Atteinte au libre jeu de la concurrence / Arrêt de la Cour (Leb 789)

Saisie de 2 renvois préjudiciels par l’Audiencia Provincial de Zaragoza et le Juzgado de Primera Instancia de Olot (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 8 décembre dernier, l’article 101 TFUE prohibant, en principe, les ententes entre entreprises (Eurosaneamientos e.a. et De Bolós Pi, aff. jointes  C-532/15 et C-538/15). Dans les affaires au principal, 2 sociétés, condamnées au paiement des honoraires des avoués, contestaient la législation nationale qui soumet la rétribution des avoués à un montant obligatoire prédéterminé, qui ne peut être majoré ou minoré que de 12%, et fixe le plafond par affaire en fonction du montant du litige. Saisies dans ce contexte, les juridictions de renvoi ont, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui soumet les honoraires des avoués à un tarif ne pouvant être majoré ou minoré que de 12%, dont les juridictions nationales se bornent à vérifier l’application stricte, sans être en mesure, dans des circonstances exceptionnelles, de déroger aux limites fixées par ce tarif. La Cour rappelle, tout d’abord, que l’article 101 TFUE impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou règlementaire, susceptibles de porter atteinte à l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Elle souligne, ensuite, qu’il y a violation de l’article 101 TFUE lorsqu’un Etat membre, soit impose ou favorise la conclusion d’ententes contraires à cette disposition ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’intervention d’intérêt économique. A cet égard, la Cour constate que la législation nationale en cause n’a pas été élaborée par les associations professionnelles des avoués, mais qu’il s’agit d’une norme étatique. En outre, la Cour relève que la procédure de liquidation des honoraires des avoués est de la compétence des juridictions nationales et que le juge national est lié par les montants fixés par le tarif établi par cette législation et qu’il n’est autorisé ni à déroger à ce tarif dans les cas exceptionnels ni à vérifier la proportionnalité des montants des honoraires au service rendu. Elle précise, en outre, que la législation nationale en cause prévoit la possibilité de déroger, à titre exceptionnel et sur autorisation délivrée par un juge, aux montants maximaux perçus par l’avoué, ainsi que le droit des clients de contester, dans le cadre de la procédure de vérification des dépens, les coûts inutiles, facultatifs, superflus ou non autorisés par la loi, ainsi que les honoraires qui n’ont pas été engendrés dans le cadre d’un litige. Par conséquent, la Cour considère qu’il ne peut être reproché aux autorités espagnoles ni d’avoir délégué le pouvoir d’élaboration de cette législation ou sa mise en œuvre aux associations professionnelles des avoués ni d’imposer ou de favoriser la conclusion, par les associations professionnelles des avoués, d’ententes contraires à l’article 101 TFUE. La Cour conclut que l’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui soumet les honoraires des avoués à un tarif ne pouvant être majoré ou minoré que de 12%, dont les juridictions nationales se bornent à vérifier l’application stricte, sans être en mesure, dans des circonstances exceptionnelles, de déroger aux limites fixées par ce tarif. (AT)

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