Extradition / Peine incompressible / Traitement inhumain et dégradant / Entrave à l’exercice du droit de saisine / Mesure provisoire / Arrêt de la CEDH (Leb 719)

Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 4 septembre dernier, les articles 3 et 34 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et à l’obligation incombant aux Etats parties de ne pas entraver l’exercice du droit de saisine des particuliers (Trabelsi c. Belgique, requête n°140/10). Le requérant, ressortissant tunisien, a fait l’objet d’une demande d’extradition vers les Etats-Unis où il encourait des peines d’emprisonnement incompressibles pour des infractions liées à des actes terroristes. Les juridictions belges ayant rendu un avis favorable à l’extradition, moyennant le respect de plusieurs conditions, le requérant a saisi la Cour d’une demande de mesure provisoire en vue de suspendre son extradition. Malgré le fait que cette dernière a fait droit à sa demande de mesure provisoire, le requérant a été extradé. Invoquant, notamment, les articles 3 et 34 de la Convention, ce dernier alléguait que son extradition vers un pays où il encourait une peine d’emprisonnement à vie incompressible, en dépit de la mesure provisoire de la Cour, constituait une violation de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. La Cour rappelle, tout d’abord, qu’une peine d’emprisonnement perpétuel doit être proportionnée à la gravité des infractions et qu’elle ne doit pas être incompressible. Ainsi, le droit national doit offrir une possibilité d’élargissement et de réexamen. Constatant que les autorités américaines n’ont, à aucun moment, fourni l’assurance que le requérant ne serait pas condamné à une peine incompressible et que le droit américain n’offre aucun mécanisme de réexamen, la Cour affirme que l’extradition en cause constitue une violation de l’article 3 de la Convention. S’agissant, ensuite, de la violation de l’article 34 de la Convention, la Cour réaffirme l’importance cruciale et le rôle vital des mesures provisoires dans le système de la Convention. Dès lors, en agissant au mépris de la mesure provisoire prononcée par la Cour en vertu de l’article 39 de son règlement de procédure, cette dernière constate que la Belgique a amoindri le niveau de protection des droits garantis par l’article 3 de la Convention en ôtant tout effet utile à l’éventuel constat de la violation de celle-ci. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 3 et 34 de la Convention. (JL)

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