Effet direct / Directives / Organismes chargés d’une mission d’intérêt public / Arrêt de la Cour (Leb 818)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Supreme Court (Irlande), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 10 octobre dernier, l’article 1er §4 de la directive 84/5/CEE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (Farrell, aff. C-413/15). Dans l’affaire au principal, la requérante a été victime d’un accident de la route alors qu’elle était passagère d’une camionnette dont le conducteur a perdu le contrôle. Ce dernier n’était pas assuré pour les dommages subis par celle-ci, qui s’est vue refuser une indemnisation par le Moto insurers Bureau of Ireland (« MIBI »). Elle a engagé une procédure devant les juridictions irlandaises à l’encontre, notamment, du conducteur et du MIBI. A la suite d’une transaction entre parties, la requérante a reçu une indemnisation au titre des dommages corporels subis mais le MIBI, le ministre de l’Environnement, l’Irlande et l’Attorney general sont en désaccord sur la question de savoir qui doit supporter la charge de l’indemnisation. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir, d’une part, si l’article 288 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il n’exclut pas qu’une entité qui ne remplit pas toutes les caractéristiques énoncées au point 20 de l’arrêt Foster (aff. C-188/89) puisse se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet direct et, d’autre part, s’il existe un principe fondamental qui devrait guider une juridiction examinant ladite question, en particulier dans le cas d’un organisme qui s’est vu confier la mission visée à l’article 1er §4 de la directive. S’agissant de la 1ère question, la Cour considère qu’au point 20 de l’arrêt Foster, elle n’a pas entendu formuler un test général destiné à appréhender l’ensemble des cas de figure dans lesquels une entité peut se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet direct mais qu’un organisme tel que celui en cause dans ce cas d’espèce devait être considéré dans une telle situation. La Cour n’a donc pas exclu qu’une entité qui ne remplit pas toutes les caractéristiques énoncées au point 20 de cet arrêt puisse se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet direct. S’agissant de la 2nde question, la Cour rappelle qu’une entité ou un organisme qui s’est vu confier par un Etat membre l’accomplissement d’une mission d’intérêt public et détient, à cet effet, des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables entre particuliers est susceptible de se voir opposer les dispositions d’une directive revêtues d’un effet direct. En l’occurrence, la mission d’un organisme d’indemnisation tel que le MIBI, qui participe de l’objectif général de protection des victimes en matière d’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile, doit être regardée comme une mission d’intérêt public inhérente à l’obligation imposée aux Etats membres à l’article 1er §4 de la directive. En outre, il a été conféré au MIBI des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers. Partant, la Cour juge que les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive peuvent être invoquées à l’encontre d’un organisme tel que le MIBI. (JJ)

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