Ecoutes téléphoniques / Enquêtes pénale et disciplinaire / Droit au respect de la vie privée et familiale / Droit à un recours effectif / Arrêt de la CEDH (Leb 773)

Saisie d’une requête dirigée contre la Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 7 juin dernier, les articles 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit à un recours effectif (Karabeyoğlu c. Turquie, requête n°30083/10). Le requérant, ressortissant turc, est un procureur qui a fait l’objet de mesures de surveillance téléphonique dans le cadre d’une enquête pénale relative à une organisation illégale dont les membres présumés étaient soupçonnés de se livrer à des activités visant à déstabiliser le régime politique. En outre, les éléments recueillis durant les écoutes ont été utilisés dans le cadre d’une enquête disciplinaire dont il a fait l’objet. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant alléguait, notamment, que la surveillance de ses communications ainsi que de celles de son épouse et de ses 2 enfants était arbitraire et illégale. Invoquant l’article 13 de la Convention, il se plaignait de ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour contester le non-respect des critères énoncés par le code de procédure pénale quant aux écoutes mises en place. S’agissant de l’article 8 de la Convention, la Cour considère que la mise sur écoutes téléphoniques du requérant, dans le cadre de l’enquête pénale, constitue une ingérence dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée, prévue cependant par la législation nationale. La Cour observe que le placement sur écoutes du requérant a été décidé en raison de l’existence de soupçons pouvant être considérés comme objectivement raisonnables et que la mise en œuvre de cette mesure était conforme à la législation pertinente. En particulier, la Cour constate que l’autorisation de la mise sur surveillance a été accordée par un tribunal en vue de préserver la sécurité nationale et que le traitement des renseignements recueillis a respecté les exigences légales. La Cour considère donc que l’ingérence dans le droit du requérant consacré par l’article 8 de la Convention était nécessaire dans une société démocratique et conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention quant aux écoutes téléphoniques relatives à l’enquête pénale. Concernant l’enquête disciplinaire, la Cour observe qu’il y a eu un double non-respect de la législation nationale : l’utilisation des données en dehors du but pour lequel celles-ci avaient été collectées et leur non-destruction dans le délai requis de 15 jours après la fin de l’enquête pénale. Elle estime donc que l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa vie privée n’était pas prévue par la loi au sens de l’article 8 §2 de la Convention et conclut à la violation de l’article 8 de la Convention quant à l’utilisation, dans le cadre de l’enquête disciplinaire, des renseignements obtenus par le biais de la mise sur écoutes téléphoniques du requérant. S’agissant de l’article 13 de la Convention, la Cour estime que le requérant n’avait pas à sa disposition une voie de recours interne pour faire examiner la compatibilité de l’ingérence dans son droit au respect de sa vie privée avec les critères de la Convention, pour l’une ou l’autre des enquêtes pénale et disciplinaire. Partant, elle conclut à la violation de l’article 13 de la Convention. (AB)

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