Droit au respect de la vie privée et familiale / Liberté d’expression / Protection des sources journalistiques / Arrêt de la CEDH

Saisie d’une requête dirigée contre les Pays-Bas, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 22 novembre dernier, les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale et à la liberté d’expression (Telegraaf Media Nederland Landelijke Media B.V. e.a. c. Pays-Bas, requête n°39315/06 – disponible uniquement en anglais). Les requérants, une société éditrice d’un quotidien à grand tirage ainsi que deux journalistes ayant publié des articles consacrés à des enquêtes des services secrets néerlandais laissant entendre qu’ils détenaient des informations hautement confidentielles, dénoncent, d’une part, l’ordre qui leur a été donné de remettre aux autorités nationales des documents susceptibles de conduire à l’identification de sources journalistiques et, d’autre part, le recours par l’Etat à des pouvoirs spéciaux. Concernant l’utilisation de pouvoirs spéciaux, tels l’interception et l’enregistrement des conversations téléphoniques, la Cour constate une ingérence dans l’exercice des droits des deux journalistes. Elle vérifie, ensuite, si cette ingérence était prévue par la loi. La Cour considère que si l’ingérence était prévisible, la loi en cause aurait dû fournir des garanties adéquates concernant les pouvoirs de surveillance utilisés à l’égard des journalistes pour découvrir leurs sources journalistiques, telles qu’un contrôle par un juge ou une autorité indépendante. En l’absence de ces garanties, la Cour conclut à la violation des articles 8 et 10 de la Convention. Concernant l’ordre de restitution des documents, la Cour constate une ingérence dans la liberté de la société requérante de recevoir ou de communiquer des informations. Notant que cette ingérence avait une base légale, la Cour recherche ensuite si celle-ci était nécessaire dans une société démocratique. Elle estime qu’une telle mesure ne saurait se concilier avec l’article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt public. La Cour, jugeant que la nécessité d’identifier l’agent ou les agents des services secrets ayant fourni des documents secrets aux requérants ne justifiait pas l’ordre de restitution des documents, conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (AB)

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