Données à caractère personnel / Publicité du registre des sociétés / Limitation d’accès des tiers après dissolution d’une société (Leb 798)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Corte suprema di cassazione (Italie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 9 mars dernier, l’article 6 de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, lequel concerne les principes relatifs à la qualité des données, ainsi que l’article 3 de la directive 68/151/CEE tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers, lequel concerne la publicité des actes des sociétés (Manni, aff. C-398/15). Dans l’affaire au principal, le requérant a demandé de limiter l’accès aux données le concernant, le liant à la faillite d’une société dont il était l’administrateur unique, inscrites dans le registre des sociétés. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la directive 68/151/CEE et la directive 98/45/CE doivent être interprétées en ce sens que les Etats membres peuvent ou doivent permettre aux personnes physiques, qui représentent ou administrent une société, de demander à l’autorité chargée de tenir le registre des sociétés de limiter, à l’expiration d’un certain délai après la dissolution de la société concernée, l’accès aux données à caractère personnel les concernant inscrites dans le registre. La Cour relève, tout d’abord, que la publicité faite via le registre des sociétés a pour finalité de protéger les intérêts des tiers par rapport aux sociétés par actions et à responsabilité limitée, qui n’offrent que leur patrimoine social comme garantie aux tiers. Elle considère, ensuite, que même après la dissolution d’une société, de nombreux droits et relations juridiques peuvent subsister et que l’accès aux données relatives à la société concernée peut être nécessaire, notamment en cas de litige ultérieur. En outre, au regard de l’hétérogénéité des délais de prescriptions dans les Etats membres, la Cour estime impossible d’identifier un délai unique, à compter de la dissolution d’une société, à l’expiration duquel l’inscription des données concernées au registre ne serait plus nécessaire. Partant, la Cour conclut que les Etats membres ne sauraient garantir aux personnes inscrites au registre le droit d’obtenir l’effacement des données les concernant après un certain délai à la suite de la dissolution de la société. Cette ingérence dans les droits fondamentaux des personnes n’est pas disproportionnée. Toutefois, la Cour précise, enfin, qu’il ne saurait être exclu que, dans des situations particulières, des raisons prépondérantes et légitimes tenant au cas concret de la personne concernée justifient exceptionnellement que l’accès aux données la concernant inscrites dans le registre soit limité, à l’expiration d’un délai suffisamment long après la dissolution de la société en question, aux tiers justifiant d’un intérêt spécifique à leur consultation. Elle précise qu’une telle limitation de l’accès aux données doit se faire sur la base d’une appréciation au cas par cas au regard du droit national, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. (MS)

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