Défaut de motivation / Responsabilité pénale et condamnation / Droit à un procès équitable / Non-violation / Arrêt de Grande Chambre de la CEDH (Leb 788)

Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 29 novembre dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Lhermitte c. Belgique, requête n°34238/09). La requérante, ressortissante belge, a été jugée par la cour d’assises de Belgique pour avoir tué ses 5 enfants avant de tenter de se suicider. Un rapport, rendu par un collège de 3 experts psychiatres, mettait en évidence l’état grave de déséquilibre mental dans lequel la requérante se trouvait au moment des faits, la rendant incapable du contrôle de ses actes. Pour autant, après des réponses positives des jurés aux questions posées par le président de la cour d’assises sur la culpabilité de la requérante, celle-ci a été condamnée à la réclusion à perpétuité. Elle s’est alors pourvue en cassation mais son pourvoi a été rejeté. Devant la Cour, la requérante se plaignait du défaut de motivation de l’arrêt de la cour d’assises concernant sa responsabilité pénale et sa condamnation. La Cour rappelle que, pour que les exigences d’un procès équitable soient respectées, le public et, au premier chef, l’accusé, doivent être à même de comprendre le verdict qui a été rendu. De ce fait, elle déclare devoir se prononcer sur le point de savoir si la requérante a pu, ou non, comprendre les raisons pour lesquelles les jurés l’ont jugée responsable de ses actes au moment de la commission des faits, et ce, malgré les conclusions unanimes en sens contraire des experts psychiatres. La Cour relève que, dès lors que la première question posée aux jurés portait sur la culpabilité de la requérante, une réponse positive impliquait nécessairement que ces derniers la jugeaient responsable de ses actes au moment des faits. La requérante ne saurait donc soutenir qu’elle n’était pas en mesure de comprendre la position du jury sur ce point. Par ailleurs, elle précise que si le jury n’a pas motivé sa conviction, le respect des exigences du procès équitable s’apprécie sur la base de la procédure dans son ensemble, en examinant si, à la lumière de toutes les circonstances de la cause, la procédure suivie a permis à l’accusée de comprendre sa condamnation. La Cour affirme qu’un tel examen permet, dans la présente affaire, de relever un certain nombre d’éléments susceptibles de lever les doutes éventuels de la requérante quant à la conviction des jurés, s’agissant de sa responsabilité pénale au moment des faits. Enfin, la Cour rappelle que des déclarations faites par des experts psychiatres lors d’une audience ne constituent qu’un éléments parmi d’autres soumis à l’appréciation du jury et que le fait que ce dernier n’ait pas indiqué les raisons l’ayant conduit à adopter un avis contraire au rapport des experts, n’a pas été de nature à empêcher l’accusée de comprendre la décision finale. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MT)

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