Contrats de prêt / Clauses abusives / Pouvoir d’appréciation du juge / Arrêt de la Cour (Leb 731)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción de Marchena (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 21 janvier dernier, l’article 6 §1 de la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (Unicaja Banco SA, aff. jointes C-482/13, C-484/13, C-485/13 et C-487/13). Dans le litige au principal, 2 banques espagnoles ont introduit des procédures de saisie hypothécaire visant à obtenir l’exécution forcée de plusieurs hypothèques constituées par des particuliers. Tous les contrats de prêt souscrits par les consommateurs comportaient une clause en vertu de laquelle, en cas de manquement de l’emprunteur, le prêteur pouvait anticiper l’échéance initialement convenue et exiger le paiement de la totalité du capital dû, majoré, en particulier, d’intérêts moratoires. Le droit espagnol en vigueur obligeait le juge national saisi d’une procédure d’exécution hypothécaire à faire recalculer les sommes dues au titre de la clause d’un contrat de prêt hypothécaire prévoyant des intérêts moratoires dont le taux est supérieur à 3 fois le taux légal, tels que le prévoient les contrats en espèce. Saisie dans ce contexte, la Cour rappelle, tout d’abord, que, s’agissant des conséquences à tirer de la constatation du caractère abusif d’une disposition d’un contrat liant un consommateur à un professionnel, il découle de l’article 6 §1 de la directive que les juges nationaux sont tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause abusive sans qu’ils soient habilités à réviser le contenu de celle-ci. Elle relève, ensuite, que le champ d’application de la réglementation nationale en cause s’étend à tout contrat hypothécaire et se distingue ainsi de celui de la directive qui concerne uniquement les clauses abusives inclues dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. Il s’ensuit que l’obligation de respecter le seuil correspondant au taux des intérêts moratoires, telle que prévue par la loi nationale, ne préjuge en rien de l’appréciation, par le juge, du caractère abusif d’une clause fixant les intérêts moratoires. Partant, la Cour conclut que l’article 6 §1 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réglementation nationale en cause, pour autant que l’application de celle-ci ne préjuge pas, d’une part, de l’appréciation par le juge national du caractère abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire prévoyant des intérêts moratoires dont le taux est supérieur à 3 fois le taux légal et, d’autre part, ne fait pas obstacle à ce que le juge écarte ladite clause s’il devait conclure au caractère abusif de celle-ci. (DH)

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