Blanchiment de capitaux / Secret professionnel / Droit au respect de la vie privée et familiale / Arrêt de la CEDH

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a prononcé un arrêt, le 6 décembre dernier, suite au recours introduit par Monsieur Patrick Michaud, Avocat au Barreau de Paris, qui avait saisi le Conseil d’Etat en vue d’obtenir l’annulation de mesures de transpositions de la directive 2005/30/CE relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (Michaud c. France, requête n°12323/11). La requête introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme avait pour objet de faire juger qu’une obligation de déclaration de soupçons pesant sur les avocats était une atteinte au secret professionnel et donc à la vie privée des clients de l’avocat, en contravention avec les dispositions de l’article 8 de la Convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale. La Cour a déclaré la requête recevable quant au grief tiré de l’article 8. Tout en reconnaissant que l’article 8 assure la protection du secret professionnel de l’avocat et la confidentialité des échanges entre celui-ci et son client pour mener à bien son activité, la Cour rappelle que ce droit n’est pas intangible en estimant que l’ingérence résultant du dispositif anti-blanchiment est proportionnée pour deux motifs : l’exonération de l’obligation de déclaration dans le cadre des activités juridictionnelles et de consultation juridique (au sens de la définition du CNB) et la mise en place par la loi de transposition d’un filtre protecteur du secret professionnel en la personne du Bâtonnier (§97, §129 et §130 de l’arrêt). En considération de ce qui précède, la Cour, tout en rappelant sa jurisprudence clairement établie quant à l’importance de la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client, estime que l’atteinte portée à l’article 8 est proportionnée et possible au sens de l’article 8 §2 de la Convention. En conclusion et nonobstant le fait que la Cour a conclu à une non-violation de l’article 8, cet arrêt peut néanmoins s’interpréter de manière positive puisque cette haute juridiction semble s’être déterminée sur le caractère proportionnel de l’ingérence dans l’exercice de la profession d’avocat, en considération des garanties apportées par le dispositif législatif national imposant le filtre du Bâtonnier. Il s’agira d’un argument déterminant dans le cadre des discussions relatives à la révision de la 3e directive blanchiment puisqu’il semblerait que la Commission européenne, à l’instar de TRACFIN, souhaitait la suppression du filtre du Bâtonnier et en tout cas l’impossibilité pour celui-ci d’apprécier l’opportunité ou non de communiquer la déclaration de soupçon à la cellule de renseignements financiers. (JJF)

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