Avocat / Diffamation d’un juge / Condamnation / Droit à la liberté d’expression / Arrêt de la CEDH (Leb 746)

Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 30 juin dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression (Peruzzi c. Italie, requête n°39294/09). Le requérant, avocat italien, s’était plaint du comportement d’un juge auprès du Conseil Supérieur de la Magistrature. Parallèlement, il avait communiqué à d’autres magistrats le contenu de sa plainte, sans mentionner explicitement le juge visé. Le requérant a été condamné pour diffamation à une amende, ainsi qu’à la réparation des dommages subis par le magistrat. Il soutenait qu’il avait été condamné alors que ses propos visaient le système judiciaire italien dans son ensemble et non pas un juge en particulier. La Cour constate, tout d’abord, l’existence d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression de l’avocat. En l’espèce, elle relève que cette ingérence était prévue par la loi et que la condamnation du requérant visait des buts légitimes, à savoir, d’une part, la protection de la réputation ou des droits d’autrui et, d’autre part, la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire. S’agissant des propos tenus par un avocat en dehors du prétoire, la Cour considère, tout d’abord, que l’avocat ayant une place centrale dans l’administration de la justice, on peut attendre de lui qu’il contribue au bon fonctionnement de la justice et à la confiance du public dans celle-ci. Dès lors, si l’avocat peut se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice, il ne saurait dépasser certaines limites, qui visent à protéger le pouvoir judiciaire des attaques gratuites et infondées. La Cour précise, ensuite, que l’avocat ne peut prononcer des propos d’une gravité dépassant le commentaire admissible sans solide base factuelle. S’agissant, en particulier, de l’un des 2 reproches adressés par le requérant au juge, qui impliquait le mépris des obligations déontologiques propres à la fonction de juge, voire même la commission d’une infraction pénale, la Cour considère que les allégations de comportements abusifs du juge ne se fondent que sur la circonstance que le magistrat avait rejeté les demandes formulées par le requérant. Ainsi, la Cour estime que la condamnation du requérant, pour ses propos tenus à l’égard d’un juge, et la peine qui lui a été infligée, étaient justifiées et n’étaient pas disproportionnées aux buts légitimes poursuivis. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 10 de la Convention. (MS)

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