Arrestation de membres d’une organisation terroriste / Interdiction des traitements inhumains et dégradants / Arrêt de la CEDH (Leb 829)

Saisie d’une requête dirigée contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 13 février dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants (Portu Juanenea et Sarasola Yarzabal c. Espagne, requête n°1653/13). Les requérants, 2 ressortissants espagnols, sont membres de l’organisation terroriste ETA. Au cours de leur arrestation par les autorités espagnoles et dans les premiers moments de leur garde à vue, ils ont été victimes d’insultes, de menaces et de nombreux coups. Ils ont ensuite été examinés par des médecins légistes, lesquels ont constaté leurs graves lésions. Devant la Cour, ils se plaignaient des actes de torture et des traitements inhumains et dégradants dont ils ont fait l’objet, ainsi que de l’absence de condamnation des auteurs de ces actes. Sur le volet matériel de l’article 3 de la Convention, la Cour relève, tout d’abord, que les juridictions nationales ont écarté la version des requérants, sans pour autant déterminer l’origine des lésions constatées ni examiner la question de savoir si le recours à la force physique par les autorités était strictement nécessaire et proportionné ou si les lésions les plus graves subies par le 1er requérant après son arrestation étaient imputables aux agents responsables de son maintien en détention. La Cour relève, ensuite, qu’il est suffisamment établi que les lésions décrites dans les certificats produits par les requérants sont survenues alors qu’ils se trouvaient entre les mains des autorités espagnoles. Elle considère, en outre, que ni les autorités nationales ni le gouvernement espagnol n’ont fourni d’arguments convaincants ou crédibles pouvant servir à expliquer ou justifier ces blessures et conclut à l’imputation de la responsabilité des lésions des requérants à l’Etat espagnol. Enfin, relevant que les requérants n’ont pas démontré que les lésions avaient eu des effets à long terme sur eux, et en l’absence de preuve relative aux buts des traitements infligés, la Cour estime que les traitements ne peuvent pas être qualifiés de torture, mais sont des traitements inhumains et dégradants. Partant, elle conclut à la violation de l’article 3 de la Convention sous son volet matériel. Sur le volet procédural de l’article 3 de la Convention, la Cour rappelle qu’il incombe à l’Etat de mettre en place une procédure officielle et effective pour enquêter sur les allégations de mauvais traitements à l’égard de personnes se trouvant sous sa responsabilité. Si les juridictions nationales ont examiné certaines preuves documentaires et évalué la crédibilité des témoignages des 2 requérants et des témoins, estimant qu’ils avaient des liens étroits avec ETA, elles ne se sont prononcées ni sur la nécessité et la proportionnalité des traitements ni sur l’imputabilité des comportements aux autorités nationales. Partant, elle conclut à la violation de l’article 3 de la Convention, sous son volet procédural. (MG)

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