Accord UE-Canada / Transfert et utilisation de données PNR / Droit au respect de la vie privée / Protection des données à caractère personnel / Avis de la Cour (Leb 811)

Saisie d’une demande d’avis portant, notamment, sur la compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du projet d’accord entre le Canada et l’Union européenne sur le transfert et le traitement des données des dossiers passagers, la Cour de justice de l’Union européenne a conclu, le 26 juillet dernier, que l’accord est incompatible avec les articles 7, 8, 21 et 52 §1 de la Charte (Avis 1/15). Le Parlement européen avait saisi la Cour d’une demande d’avis portant, notamment, sur la compatibilité du projet d’accord avec les dispositions de la Charte relatives au respect de la vie privée et familiale et à la protection des données à caractère personnel. La Cour constate que l’accord prévoit le transfert systématique et continu des données des dossiers passagers (« données PNR ») de l’ensemble des passagers aériens à l’autorité canadienne compétente pour leur utilisation et leur conservation, voire leur transfert ultérieur à d’autres autorités ou à des pays tiers. Elle estime que ces opérations constituent des ingérences dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel prévus par la Charte. Elle observe, néanmoins, que l’accord vise à renforcer la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale grave qui constitue un objectif d’intérêt général susceptible de justifier des ingérences, même graves, dans les droits fondamentaux concernés. Toutefois, la Cour relève que plusieurs dispositions de l’accord envisagé ne se limitent pas au strict nécessaire et ne prévoient pas des règles suffisamment claires et précises pour encadrer les ingérences. Ainsi, elle considère que ce dernier ne définit pas de manière suffisamment claire et précise les données à transférer. En outre, la Cour note qu’il permet le transfert et le traitement de données sensibles, telles que l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses, l’état de santé ou l’orientation sexuelle des personnes. Au regard du risque que présente le traitement de telles données, eu égard au principe de non-discrimination, le transfert de celles-ci doit faire l’objet d’une justification précise et solide, tirée de motifs autres que la lutte contre le terrorisme ou la criminalité grave, ce qui n’est pas le cas dans l’accord envisagé. Par ailleurs, l’utilisation des données PNR pendant et après le séjour des passagers au Canada n’est pas limitée au strict nécessaire, de même que leur conservation après ce séjour. En effet, la Cour estime, d’une part, que cette utilisation, pendant et après le séjour des passagers, doit se fonder sur des circonstances nouvelles et nécessite d’être encadrée par des règles, reposant sur des critères objectifs, prévoyant des conditions matérielles et procédurales pour protéger les données contre les risques d’abus. D’autre part, cette utilisation doit être subordonnée à un contrôle préalable, effectué par une juridiction ou par une entité administrative indépendante, sur demande motivée des autorités compétentes et dans le cadre de procédures pénales. De même, la Cour considère que le stockage continu des données PNR après le départ des passagers du Canada n’apparaît pas limité au strict nécessaire. Partant, la Cour conclut que le projet d’accord est incompatible avec la Charte. (MS)

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