Abus de position dominante / Rabais de fidélité / Test AEC / Examen approfondi des circonstances d’espèce / Arrêt de la Cour (Leb 813)

Saisie d’un pourvoi par la société Intel à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne par lequel celui-ci a rejeté son recours en annulation (Intel c. Commission, aff. T-286/09), la Cour de justice de l’Union européenne a accueilli, le 6 septembre dernier, le recours (Intel c. Commission, aff. C-413/14 P). Dans l’affaire en cause, la requérante a été l’objet d’une série d’investigations lancée au mois de mai 2004 par la Commission européenne avant de se voir adresser une communication des griefs. La Commission a décrit 2 types de comportements adoptés par la requérante à l’égard de ses partenaires commerciaux, à savoir, des rabais conditionnels et des restrictions non déguisées, visant à exclure un concurrent du marché du CPU x86, processeur permettant le fonctionnement des systèmes d’exploitation Windows et Linux. Elle a conclu à une violation unique et continue de l’article 102 TFUE et a infligé à Intel une amende de 1,06 milliard d’euros. La requérante a déposé un recours contre la décision litigieuse devant le Tribunal de l’Union européenne, lequel a été rejeté. La requérante a alors formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal. Tout d’abord, s’agissant de la compétence de la Commission, la Cour rappelle que le fait, pour une entreprise participant à un accord, d’être située dans un Etat tiers ne fait pas obstacle à l’application des articles 101 et 102 TFUE, dès lors que celui-ci produit ses effets sur le territoire du Marché intérieur. Selon elle, le critère des effets qualifiés peut, par conséquent, servir de fondement à la compétence de la Commission. En outre, elle rappelle que c’est au regard du comportement de l’entreprise en cause pris dans son ensemble qu’il convient de déterminer si la Commission dispose de la compétence et considère que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que le comportement de la requérante faisait partie d’une stratégie d’ensemble visant à restreindre la concurrence. Ensuite, s’agissant des erreurs procédurales alléguées, la Cour estime qu’aucun élément de l’article 19 §1 du règlement 1/2003/CE relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ne permet de considérer l’existence d’une distinction entre des entretiens dits formels et informels et qu’il pèse sur la Commission une obligation d’enregistrer, sous la forme de son choix, tout entretien mené par elle, dans le cadre d’une telle procédure. En l’occurrence, si la communication d’une note interne au cours de la procédure administrative n’a pas corrigé la lacune initiale tenant à l’absence d’enregistrement, la Cour relève que la décision litigieuse ne s’est pas appuyée sur des informations obtenues lors de l’entretien non enregistré pour mettre en cause Intel et que les erreurs de droit dont l’arrêt du Tribunal est entaché ne sont pas susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision. Enfin, s’agissant de l’absence d’examen des rabais litigieux au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, la Cour juge que la Commission était tenue d’analyser, non seulement l’importance de la position dominante de l’entreprise sur le marché pertinent et le taux de couverture du marché par la pratique contestée, mais également les conditions et modalités d’octroi des rabais, leur durée et montant ainsi que l’existence d’une stratégie visant à évincer les concurrents. Si la Commission a opéré un examen approfondi de ces circonstances, le Tribunal, lui, a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner si la Commission avait effectué le test AEC (As-efficient-competitor) dans les règles de l’art. Celui-ci étant tenu, selon la Cour, d’examiner l’ensemble des arguments d’Intel au sujet de ce test, la Cour annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire au Tribunal, le litige n’étant pas en état d’être jugé. (JJ)

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