France / Tirs d’un gendarme / Nécessité / Droit à la vie / Arrêt de la CEDH (Leb 842)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 7 juin dernier, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie (Toubache c. France, requête n°19510/15). Les 2 requérants, ressortissants français, sont les parents d’un homme décédé à la suite des tirs d’un gendarme. Ce dernier a tiré à 6 reprises sur une voiture en fuite après un vol et un cambriolage, le dernier tir ayant entraîné la mort de cet homme. Devant la Cour, ces derniers alléguaient que le dernier tir, mortel pour leur fils, n’était pas proportionné au but poursuivi et constituait, dès lors, une violation de son droit à la vie. La Cour rappelle, tout d’abord, que le but légitime d’effectuer une arrestation régulière ne peut justifier de mettre en danger des vies humaines qu’en cas de nécessité absolue. Elle interprète, cependant, l’étendue de l’obligation positive pesant sur les autorités internes de manière à ne pas imposer à celles-ci un fardeau insupportable. La Cour souligne qu’il ne faut pas perdre de vue que la responsabilité pénale se distingue de la responsabilité de l’Etat au titre de la Convention et que la compétence de la Cour se borne à déterminer la 2nde. La Cour relève, ensuite, que l’action de la gendarmerie avait pour but de procéder à une arrestation régulière. Il convient donc d’examiner si la force utilisée pour atteindre cet objectif était absolument nécessaire et si le degré de risque que présentait l’utilisation de l’arme à feu contre le véhicule, ayant conduit à la perte d’une vie, était strictement proportionné au regard du danger que représentait la voiture fugitive et l’urgence qu’il y avait à l’arrêter. La Cour considère, en outre, que le gendarme était au courant de la présence de 3 personnes dans le véhicule et connaissait les risques inhérents à des tirs visant un véhicule en mouvement. La Cour rappelle qu’un tel degré de risque pour la vie ne peut être justifié que si l’arme à feuest utilisée en dernier recours, pour éviter le danger très clair et imminent que représente le conducteur de la voiture au cas où il parviendrait à s’échapper. Elle relève, par ailleurs, que les occupants du véhicule étaient soupçonnés d’atteintes aux biens et non d’atteintes aux personnes. La Cour ne considère pas, enfin, que le niveau de la menace exigeait que le véhicule soit immédiatement arrêté par des coups de feu potentiellement mortels. Elle ne peut considérer, au moment du tir mortel, que le gendarme agissait avec la conviction honnête que sa propre vie et son intégrité physique, de même que la vie de ses collègues ou d’une autre personne, se trouvaient en péril. La Cour estime, dès lors, que le décès du fils des requérants résulte d’un recours à la force qui n’était pas absolument nécessaire afin de procéder à une arrestation régulière. Partant, elle conclut à la violation de l’article 2 de la Convention. (MG)

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