Absence d’audience / Droit à un procès équitable / Arrêt de la CEDH (Leb 773)

Saisie d’une requête dirigée contre l’Allemagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 9 juin dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Madaus c. Allemagne, requête n°44764/14 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant allemand, a formé une action sur la base de la loi de réhabilitation pénale au nom de son père décédé, qui avait fait l’objet de mesures d’expropriation en 1946 et 1947 après qu’un organe administratif l’avait qualifié d’« activiste nazi », de « criminel nazi » et de « profiteur de guerre ». Il estimait que ces mesures revêtaient un caractère pénal alors que la culpabilité de son père avait été établie non pas par un tribunal mais par un organe administratif. Le tribunal compétent a ordonné la tenue d’une audience, puis l’a annulée et fixé les délais pour la procédure écrite, se référant aux dispositions pertinentes de la loi de réhabilitation pénale, aux termes desquelles une décision de cette nature est en principe rendue en l’absence d’audience. La demande d’annulation des décisions rendues contre le père du requérant a été rejetée en première instance, puis en appel. Le requérant estimait qu’en statuant en l’absence d’audience, les tribunaux internes avaient violé ses droits découlant, notamment, de l’article 6 §1 de la Convention. La Cour relève que les tribunaux internes n’ont pas motivé leur refus d’examiner plus avant le cas du requérant en tenant audience. Or, certains faits étaient contestés par les parties, en particulier le point de savoir si son père avait fait l’objet d’un mandat d’arrestation. La Cour constate, également, qu’aux termes de la loi de réhabilitation pénale, la tenue d’une audience est non pas la règle mais l’exception et que c’est au juge interne qu’il appartient de dire si une audience s’impose. Or, dans le cas du requérant, une audience avait été prévue au motif que ses écritures étaient particulièrement volumineuses. Ainsi, la Cour souligne qu’à ce moment-là, le tribunal compétent estimait qu’une audience était nécessaire. De plus, la Cour note qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait la dispense d’audience postérieurement à la date à laquelle l’audience avait été programmée. En effet, la réprobation par le tribunal régional de la manière dont les avocats du requérant avaient communiqué au public leur interprétation des raisons de la tenue d’une audience, n’est pas une circonstance exceptionnelle. Enfin, la Cour observe que la raison justifiant l’absence d’audience en principe dans les actions intentées sur la base de la loi de réhabilitation pénale est de simplifier et d’accélérer la procédure au profit des personnes concernées. Or, l’audience n’a été annulée que 11 jours avant la date prévue, ce qui ne démontre pas que cette décision était censée permettre de trancher le litige avec davantage de célérité. La Cour conclut, dès lors, à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MF)

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