Inscription dans le système d’alerte précoce / Droits de la défense d’une société / Arrêt du Tribunal (Leb 740)

Saisi d’un recours en annulation par la société requérante à l’encontre des décisions d’inscription de celle-ci dans le système d’alerte précoce (« SAP ») mis en place par la Commission européenne, le Tribunal de l’Union européenne a, le 22 avril dernier, annulé celles-ci (Planet c. Commission, aff. T-320/09). Par une décision relative au système d’alerte précoce à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives, la Commission avait mis en place un SAP visant à assurer, au sein de celle-ci et de ses agences exécutives, la circulation d’informations concernant les tiers qui pourraient représenter une menace pour les intérêts financiers et la réputation de l’Union. La société requérante a fait l’objet d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (« OLAF ») au sujet de soupçons d’irrégularités dans le cadre de 3 projets, financés par la Commission, qu’elle réalisait en Syrie. Le déroulement de l’enquête a conduit l’OLAF à demander l’inscription de la société dans le SAP, avec activation du signalement W1a puis W1b, qui est déclenché lorsqu’il existe des raisons suffisantes de penser que des constatations finales de fraudes ou d’erreurs administratives graves sont susceptibles d’être introduites dans le SAP, en rapport avec des tiers qui peuvent avoir bénéficié de fonds financés par l’Union. La société requérante a, ensuite, remporté un autre appel d’offres avec une subvention potentielle de 3 millions d’euros financée par l’Union. La Commission a conditionné la signature de la convention à l’ouverture, par la société requérante, d’un compte bancaire bloqué. Cette dernière s’étant exécutée, elle a sollicité l’annulation des décisions d’inscription dans le SAP, après la signature, par la Commission, de la convention. Le Tribunal relève, tout d’abord, que la Commission n’était pas compétente pour adopter la décision de 2008 mettant en place le SAP, faute de base légale. En effet, les traités et le règlement 1605/2002/CE portant règlement financier applicable au budget général des communautés européennes prévoient uniquement la création d’une base de données centrale portant sur des exclusions obligatoires, mais ne font pas état d’un système tel que le SAP, ni d’une compétence explicite de la Commission pour décider de sa mise en place. Ce faisant, il note que les signalements en cause n’ont pas pour conséquence d’exclure l’entité concernée de l’attribution du marché. Par ailleurs, le Tribunal estime que ces signalements visent une situation dans laquelle, en raison des enquêtes encore en cours, la culpabilité de l’entité concernée n’a pas encore été établie par un juge. Ainsi, pour prendre des mesures préventives au stade de l’enquête, la Commission aurait eu besoin d’une base légale afin de respecter les droits de la défense, le principe de proportionnalité ainsi que le principe de sécurité juridique. Enfin, le Tribunal observe que les décisions litigieuses n’ont pas été communiquées à la société requérante, que cette dernière n’a pas eu la possibilité de soumettre des observations et n’a pas connu les motifs justifiant son inscription dans le SAP. Partant, le Tribunal annule les décisions litigieuses pour défaut de motivation et violation des droits de la défense. (DH)

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