Statut de Gibraltar / Champ d’application territorial du Traité / Libre prestation de services / Situation purement interne / Arrêt de la Cour (Leb 807)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par la High Court of Justice (Royaume-Uni), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 13 juin dernier, les articles 56 et 355 TFUE relatifs, respectivement, à la libre prestation de services et au champ d’application territorial des traités (The Gibraltar Betting and Gaming Association Limited et The Queen, aff. C-591/15). Dans l’affaire au principal, le Royaume-Uni a adopté un nouveau régime fiscal imposant aux prestataires de services de jeux d’argent d’acquitter une taxe pour les services de jeux d’argent fournis aux personnes établies au Royaume-Uni, que ces mêmes prestataires soient établis au Royaume-Uni ou dans un autre pays. Des exploitants de jeux d’argent ont contesté ce régime, l’estimant contraire à la libre prestation de services en ce qu’elle impose une taxe supplémentaire pour les services de jeux d’argent proposés à partir de Gibraltar au Royaume-Uni. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 355, point 3, TFUE, lu en combinaison avec l’article 56 TFUE, doit être interprété en ce sens que la prestation de services par des opérateurs établis à Gibraltar à des personnes établies au Royaume-Uni constitue, au regard du droit de l’Union, une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul Etat membre. Tout d’abord, la Cour rappelle qu’en vertu de l’article 355, point 3, TFUE les dispositions des traités s’appliquent aux territoires européens dont un Etat membre assume les relations extérieures. En ce sens, la Cour relève que Gibraltar constitue bien un territoire européen dont le Royaume-Uni assume les relations extérieures et dans lequel les dispositions de l’article 56 TFUE s’appliquent. Ensuite, la Cour analyse le point de savoir si la mesure litigieuse s’inscrit dans une situation purement interne excluant l’applicabilité des dispositions du traité en matière de libre prestation de services. Elle rappelle que, bien que Gibraltar ne fasse pas partie du Royaume-Uni, cela ne fait pas échec à ce que ces 2 territoires soient assimilés à un seul Etat membre. La Cour a déjà jugé, pour l’île de Jersey, que compte tenu du fait que la règlementation de l’Union en matière douanière et en matière de restrictions quantitatives s’appliquait au territoire en cause dans les mêmes conditions qu’au Royaume-Uni, d’une part, et qu’il n’existait pas d’éléments permettant de considérer que leurs relations soient semblables à des relations entre Etats membres, d’autre part, ces territoires devaient être assimilés à un seul Etat membre même si le territoire en cause ne faisait pas partie du Royaume-Uni. Considérant que ces 2 conditions sont satisfaites en l’espèce, la Cour considère qu’une prestation de service par des opérateurs établis à Gibraltar à des personnes établies au Royaume-Uni s’inscrit dans une situation purement interne. Enfin, elle précise que cette interprétation n’a aucune incidence sur le statut séparé et distinct du territoire de Gibraltar en vertu du droit international. (AG)

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