La condamnation d’un ressortissant danois pour avoir qualifié sur les réseaux sociaux un dirigeant d’extrême droite de « nazi » constitue une ingérence injustifiée dans sa liberté d’expression et une atteinte disproportionnée à son droit au débat public (21 octobre)
Arrêt Mortensen c. Danemark, requête n°16756/41
Le requérant est un ressortissant danois, condamné pour avoir publié sur Twitter un message qualifiant un dirigeant d’un parti extrême droite de « nazi », en dénonçant l’inégalité de traitement entre les propos haineux de ce dernier et la sanction infligée à une personne ayant insulté un policier. Le requérant invoque une violation de l’article 10 de la Convention, soutenant que son message, fondé sur des éléments factuels et liés au fonctionnement de la justice, participait à un débat d’intérêt public. La Cour EDH rappelle qu’il convient de distinguer les déclarations factuelles des jugements de valeur, ces derniers devant reposer sur un fondement factuel suffisant. La Cour EDH a estimé que les juridictions danoises, en reconnaissant le terme « nazi » comme un jugement de valeur, n’ont pas apprécié ce point ni examiné la notoriété du dirigeant visé, pourtant connu pour ses propos racistes et déjà condamné, ni la portée limitée du message. Elle juge donc que les autorités nationales n’ont pas opéré la mise en balance exigée entre le droit à la liberté d’expression et le droit à la vie privée. La Cour EDH précise que le message visait à dénoncer l’incohérence du système judiciaire dans le traitement des discours haineux et relevait ainsi d’un débat d’intérêt public, domaine dans lequel l’article 10 § 2 laisse peu de marge à l’ingérence des autorités nationales. Elle ajoute, en outre, que la sévérité disproportionnée de la sanction – une amende assortie de jours d’emprisonnement en cas de non-paiement – n’a pas été justifiée au regard du but poursuivi. Partant, elle conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (EW)