La disparition de nombreuses preuves associée à l’absence d’indépendance des autorités enquêtrices constitue une violation de l’obligation d’enquêter de manière effective sur des actes de violences sexuelles (23 octobre)
Arrêt A.J. et L.E. c. Espagne, requêtes n°40312/23 et 40388/23
Les requérantes sont 2 femmes soutenant avoir été violées par soumission chimique. La procédure pénale menée à l’encontre des accusés n’ayant pas abouti, en raison notamment de la disparition de nombreux éléments de preuves lors de l’enquête, elles allèguent une violation des articles 3 et 8 de la Convention. La Cour EDH rappelle que les Etats ont l’obligation positive d’incriminer et de poursuivre de manière effective les actes sexuels non consentis. Du point de vue procédural, l’enquête doit être approfondie, impartiale et menée dans les meilleurs délais. Si toute perte de preuve ne vicie pas nécessairement l’enquête, les autorités doivent veiller à prendre toutes les mesures raisonnables disponibles pour les sécuriser. En l’espèce, la Cour EDH observe que l’enquête n’a pu aboutir en raison de la disparition du rapport d’expertise médico-légale, de la perte partielle des images de vidéosurveillance et de l’effacement des données extraites du téléphone. La Cour EDH en déduit le caractère systémique des manquements à la préservation des preuves. Elle relève par ailleurs l’absence d’indépendance des autorités d’enquête, l’un des suspects étant le beau-frère de l’un des enquêteurs. Si une enquête subséquente a bien été menée quant à d’éventuelles fautes policières, laquelle n’a pas non plus abouti, la Cour EDH note qu’elle a été confiée aux mêmes organes judiciaires et policiers qui avaient supervisé l’enquête initiale. Dans ces circonstances, la Cour EDH ne peut que conclure à la violation de la Convention. (PC)