Interception des radiocommunications des forces de l’ordre / Condamnation de journalistes / Droit à la liberté d’expression / Non-violation / Arrêt de la CEDH (Leb 774)

Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 23 juin dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit et à la liberté d’expression (Brambilla e.a. c. Italie, requête n°22567/09). Les requérants, 3 ressortissants italiens, sont des journalistes ayant intercepté des radiocommunications entre des gendarmes afin de se rendre rapidement sur les lieux du crime et de relater les informations dans leur journal local. Ils se plaignaient de la perquisition de leur véhicule et de leur bureau de rédaction ainsi que de la saisie de leurs appareils radiophoniques et de leur condamnation au motif que ces actes constituaient une ingérence dans leur droit à la liberté d’expression puisqu’ils agissaient en qualité de journalistes. La Cour estime, tout d’abord, qu’il y a un doute sur l’existence d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression des requérants mais, à supposer qu’elle existe, les actes dont se plaignaient les requérants étaient prévus par le Code pénal et poursuivaient des buts légitimes au regard de l’article 10 §2 de la Convention, à savoir la protection des droits d’autrui, la protection de la sécurité nationale, la défense de l’ordre et la prévention du crime. La Cour s’interroge, ensuite, sur la nécessité des mesures prises à l’encontre des requérants dans une société démocratique. Elle souligne, à cet égard, que la protection des journalistes par l’article 10 de la Convention est subordonnée à la condition qu’ils agissent de bonne foi pour fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect des principes d’un journalisme responsable. Cette notion englobe la licéité du comportement des journalistes puisque la Convention ne leur offre pas une immunité pénale exclusive. Enfin, la Cour évalue la nécessité d’une ingérence donnée en tenant compte de différents critères parmi lesquels l’évaluation des intérêts en présence, le comportement des requérants, le contrôle exercé par les juridictions internes et la proportionnalité de la sanction prononcée. En l’espèce, si le bon fonctionnement des forces de l’ordre et l’intérêt des lecteurs de recevoir des informations sont des intérêts ayant tous deux un caractère public, la Cour relève que l’intérêt du public de prendre connaissance de faits divers dans un journal local n’a pas le même poids que celui d’acquérir des informations sur une question d’intérêt général et historique. De plus, la Cour note qu’il n’a pas été question d’interdire aux requérants de diffuser l’information mais de les condamner pour la possession et l’utilisation d’appareils radiophoniques servant à intercepter les communications des forces de l’ordre. La Cour relève que les peines prises à l’encontre des requérants ont été suspendues. Enfin, les journalistes n’ont pas respecté le devoir imposé à eux de respecter les lois pénales de droit commun qui interdisent l’interception des communications. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 10 de la Convention. (CG)

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