Coopération judiciaire en matière civile / Droit applicable au contrat de travail / Application de lois de police autres que celles de l’Etat du for / Arrêt de la Cour (Leb 784)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Bundesarbeitsgericht (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 18 octobre dernier, le règlement 593/2008/CE sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« règlement « Rome I » ») (Nikiforidis, aff. C-135/15) Dans l’affaire au principal, un ressortissant grec, employé au sein d’une école située en Allemagne et gérée par les autorités grecques, a vu sa rémunération être réduite en raison de l’adoption par le législateur grec de lois visant à mettre en œuvre les accords conclus avec les créanciers internationaux. Il a introduit en Allemagne une action en justice en vue de réclamer un supplément de rémunération. La juridiction de renvoi, considérant que les lois en cause répondent à la définition des lois de police, a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si le règlement « Rome I » doit être interprété en ce sens qu’il exclut que des lois de police autres que celles de l’Etat du for ou de l’Etat dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées puissent être prises en compte, directement ou indirectement, par le juge du for en vertu du droit national applicable au contrat. La Cour relève que l’article 9 du règlement « Rome I » concernant les lois de police déroge au principe du libre choix de la loi applicable par les parties au contrat, afin de permettre, dans des circonstances exceptionnelles, au juge du for de prendre en compte des considérations d’intérêt public. Cette disposition étant d’interprétation stricte, la Cour considère que permettre au juge du for de faire application de lois de police appartenant à l’ordre juridique d’Etats membres autres que ceux qui sont expressément visés à cet article serait susceptible de compromettre la pleine réalisation de l’objectif général du règlement « Rome I » qu’est la sécurité juridique dans l’espace de justice européen. En effet, admettre que le juge du for dispose d’une telle faculté serait de nature à affecter la prévisibilité des règles matérielles applicables au contrat. Elle estime, en outre, que reconnaître au juge du for la faculté d’appliquer, en vertu du droit applicable au contrat, d’autres lois de police que celles visées à l’article 9 du règlement « Rome I » pourrait affecter l’objectif poursuivi par l’article 8 du règlement, qui vise à garantir, dans la mesure du possible, le respect des dispositions assurant la protection du travailleur prévues par le droit du pays dans lequel celui-ci exerce ses activités professionnelles. La Cour estime donc que l’énumération à l’article 9 du règlement « Rome I » des lois de police auxquelles le juge du for peut donner effet est exhaustive. Partant, elle conclut que cet article doit être interprété comme excluant que le juge du for puisse appliquer, en tant que règles juridiques, des lois de police autres que celles de l’Etat du for ou de l’Etat dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées. En revanche, il ne s’oppose pas à la prise en compte, en tant qu’élément de fait, de telles lois de police dans la mesure où une règle matérielle du droit applicable au contrat, en vertu des dispositions du même règlement, la prévoit, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. (SB)

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